Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 51
Le mercredi 3 mai 2000
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, Président pro tempore
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE
DES QUESTIONS
- L'agriculture
et l'agroalimentaire
- La crise agricole dans les Prairies-L'effet de la hausse du prix des carburants et du transport sur l'aide accordée aux céréaliers
- La crise agricole dans les Prairies-Le niveau des subventions publiques
- La crise agricole dans les provinces des Prairies-La souplesse des programmes d'aide-Les initiatives du gouvernement relatives à la question des subventions internationales
- Le faible taux de rendement pour les producteurs-La réponse du gouvernement
- La défense nationale
- Réponses différées à des questions orales
- Les Nations Unies
- L'agriculture et l'agroalimentaire
- Les Nations Unies
- La Société Radio-Canada
- Les pêches et les océans
- Les travaux publics et les services gouvernementaux
- La défense nationale
- Les affaires étrangères
- Le solliciteur général
- La justice
- La défense nationale
- L'agriculture et l'agroalimentaire
- Question de privilège
- L'agriculture
et l'agroalimentaire
- ORDRE
DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur la Loi électorale du Canada
- Projet de loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations
- Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec
- Les travaux du Sénat
- Énergie, environnement et ressources naturelles
LE SÉNAT
Le mercredi 3 mai 2000
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président pro tempore étant au fauteuil.Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
En hommage aux forces navales
L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, à l'approche du 55e anniversaire de la victoire en Europe, je voudrais vous lire un poème écrit en avril et en octobre 1999 par Jack F. King, de la Réserve des volontaires de la Marine royale canadienne, Division universitaire d'instruction navale, Réserve de la Marine royale canadienne. Il s'intitule: Souvenir de la marine.Ils sont venus des champs de blé,
Des forêts, des villages,
Des villes et des montagnes.
Certains étaient renommés,
Beaucoup étaient jeunes,
La plupart n'avaient pas trente ans.
Le valeureux, le timoré
Ne savaient pas ce qui les attendait.
Supportant toutes les épreuves,
Les longues, très longues journées
Et les vigies solitaires,
Ils ont prouvé leur valeur.
Rompus à l'ouvrage,
Couverts de sueur et de larmes,
Aspergés de cambouis,
Sans le réconfort de la douche,
Et sous la menace des torpilles.
Épiés par les sous-marins,
Éprouvés par tempêtes, glace et brume
Rongés par la peur
Des collisions fréquentes;
Secoués par la houle,
Éclaboussés d'eau de mer et de vomi
Habités par la pensée du foyer,
Jamais ils n'ont fléchi
Ces jeunes Canadiens.
Sur la mer, ils ont montré leur valeur.
En dépit d'équipement obsolète
De navires déjà vieux
D'une formation incomplète
Ils menaient convois à bon port.
Sous le feu des bombes et des torpilles
D'un ennemi implacable,
Dans les flots d'une mer déchaînée
Ils perdirent des amis.
Sur le qui-vive toujours,
Les membres de la Marine canadienne,
Cent mille d'entre eux, dont des femmes,
Et les marins marchands, nombreux aussi.
Tous ensemble à la besogne
Comme les bons équipages,
Sur les vieux navires, dragueurs,
Corvettes, frégates,
Destroyers, lance-torpilles,
Croiseurs et transporteurs.
Malgré abattement et désespoir,
Bouleversements et terreur.
La modeste Marine canadienne
Vit enfler ses rangs.
Quatre cents navires à elle
Et quatre cents navires marchands.
Demain, honorables sénateurs, j'apporterai une traduction libre faite par un habitant de mon ancienne circonscription.L'Est et l'Ouest
Envoyèrent leurs meilleurs.
Ils envoyèrent leurs marins -
Réserve des volontaires, MRC,
Marins marchands et femmes de la marine.
L'Ontario
Félicitations pour le budget
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'intervenir aujourd'hui afin de louer ce qui est digne de louanges. Hier après-midi, et je suis sûr que tous les sénateurs ont vu l'événement aux nouvelles du soir, le gouvernement de l'Ontario a parlé haut et fort. Le ministre des Finances, Ernie Eves, a annoncé les résultats de l'exercice financier 1999 et le budget pour les exercices 2000-2001. Sous les applaudissements nourris, il va de soi, il a annoncé le premier budget équilibré, sans déficit, de l'Ontario, un exploit si impressionnant que les autorités ont eu du mal à déterminer avec exactitude quand c'était arrivé la dernière fois. Il semble que cela remonte aussi loin qu'en 1914.Honorables sénateurs, j'ai appris en affaires qu'il ne se passe rien dans la vie à moins qu'on fasse ou vende quelque chose. Tous les esprits raisonnables comprendront immédiatement que les succès de l'Alberta et de l'Ontario sont dus aux gens qui travaillent dur dans les secteurs privé et public. Quand les gouvernements dépensent d'argent plus qu'ils n'en perçoivent, il y a lieu d'apporter les changements qui s'imposent.
L'économie ontarienne a été transformée de fond en comble ces dix dernières années, et tout cela grâce aux sacrifices qu'ont bien voulu consentir les travailleurs de la grande alliance conservatrice à l'échelle nationale et grâce aux gens qui savent ce dont ce pays est capable. Si l'Ontario ne doit invoquer qu'une seule des raisons qui expliquent la prospérité de son économie, il ne peut mentionner que l'introduction du libre-échange par le gouvernement Mulroney.
(1340)
Brian Mulroney disait, et je l'ai entendu plusieurs fois le dire, que «le meilleur programme social qu'un pays puisse avoir, c'est de veiller à ce que les gens aient un emploi». Aujourd'hui, le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario recueillent les fruits du dur travail accompli par l'ancien gouvernement conservateur. Les Canadiens me disent chaque jour qu'ils souhaiteraient avoir un autre dirigeant avec une vision et une fermeté comme les siennes.
Honorables sénateurs, j'espère qu'un plus grand nombre de dirigeants conservateurs prendront les commandes et nous conduiront à la prospérité.
[Français]
La Nouvelle-Écosse
LE détournement des fonds destinés aux programmes de langue française
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, le ministre de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse déclarait, le vendredi 28 avril dernier, à l'assemblée législative de cette province, que son ministère utilisait des fonds fédéraux destinés à l'éducation française pour d'autres fins. Depuis longtemps, certains d'entre nous nous doutions de cette pratique en ce qui a trait au financement de programmes dans ma propre province du Nouveau-Brunswick, par exemple. Qu'un ministre provincial l'admette, c'est déjà quelque chose. C'est une situation scandaleuse sous plus d'un rapport. Cette province n'est assurément pas la seule à tripoter des fonds fédéraux destinés à des programmes et à des projets spécifiques.Il faut que cela cesse. C'est non seulement déloyal, mais malhonnête. C'est priver également la population étudiante des services auxquels elle est en droit de s'attendre de la part de son gouvernement.
En tant que Canadien français et fédéraliste qui veut que ce pays fonctionne comme il se doit, je m'indigne de cet état de choses. Je demande au gouvernement fédéral de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger cette pratique lamentable dans les meilleurs délais.
Je crois par ailleurs qu'il incomberait au vérificateur général du Canada d'enquêter illico sur l'acheminement des fonds destinés à l'éducation et à d'autres programmes et de faire rapport au Parlement sur l'étendue de cette pratique, non seulement dans la province de la Nouvelle-Écosse, mais dans les autres juridictions également.
[Traduction]
La défense nationale
La déclaration d'anciens pilotes et ingénieurs de Sea King sur la navigabilité de cet appareil
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais vous lire le document suivant, qui se passe d'explications.La déclaration qui suit est faite par trois pilotes de Sea King à la retraite qui ont tous occupé des postes de hauts dirigeants dans le secteur des hélicoptères maritimes et par un ingénieur aérospatial à la retraite qui a occupé des postes supérieurs dans le service chargé de la navigabilité des Sea King.
Les colonels Cody et Myrhaugen et le brigadier-général Curleigh comptent à eux trois plus de 10 000 heures de vol à bord de l'hélicoptère Sea King, dont plusieurs en mer à partir de navires de guerre. Ils ont chacun servi dans au moins quatre escadrons de Sea King. Tous trois ont été commandants d'escadrons opérationnels de Sea King. Tous trois ont assumé des postes importants, tels que commandant de la 12e Escadre Shearwater, base d'appartenance des Sea King du Canada, commandant adjoint du Groupe aérien maritime (GAM), responsable de toutes les opérations canadiennes des Sea King, et commandant du GAM. Le colonel Murphy participe au soutien des Sea King depuis 1966 et a occupé durant cette période des postes comme ceux de mécanicien de giravions à Shearwater, officier supérieur d'état-major-Ingénierie, génie et maintenance, au GAM, et a été responsable de la navigabilité des Sea King au QGDN, ici à Ottawa.
Notre déclaration n'a pas été rédigée à la légère. Lors d'une réunion tenue le 1er mai avec quatre autre officiers supérieurs à la retraite, également membres de l'association Friends of Maritime Aviation, la FOMA, nous avons passé en revue la situation des Sea King. Nous nous sommes notamment penchés sur les rapports concernant les récents incidents après-déploiement, que les médias ont obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information, et dans lesquels il était fait état des préoccupations exprimées par des pilotes des appareils Sea King.
Sans parler de la vie des hommes et des femmes qui les pilotent.À l'issue de notre analyse, force nous est aujourd'hui d'affirmer officiellement et sans ambages que, à notre sens, nous approchons rapidement du point critique qui risque de grandement menacer l'utilité opérationnelle des Sea King.
Pour garder la présente déclaration aussi brève que possible, nous développerons l'idée exposée ci-dessus dans un document séparé. À ce jour, les membres de la FOMA ont délibérément évité la tentation d'invoquer la tactique alarmiste de la «sécurité» pour inciter le gouvernement à remplacer les appareils Sea King devenus non fiables et d'une utilité opérationnelle limitée. Nous nous attardons plutôt aux nombreuses autres raisons qui justifieraient une prise de décision rapide dans cette affaire. Toutefois, nous le répétons, nous pensons qu'on a étiré l'élastique jusqu'à la limite. S'il casse et cause une catastrophe, la faute rejaillira sur un seul homme, celui qui retarde la mise en oeuvre du nouveau projet d'acquisition d'hélicoptères maritimes. Nous espérons que vous nous écoutez, monsieur le premier ministre.
Le Nouveau-Brunswick
Le système scolaire-Le point sur le programme «Making Waves»
L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, nous avons tous observé avec horreur et incrédulité la montée insidieuse de la violence dans les écoles intermédiaires et secondaires. La communauté s'interroge sérieusement sur les moyens à mettre en oeuvre pour y remédier.Je voudrais aujourd'hui faire le point sur le programme «Making Waves», que j'ai présenté au Sénat il y a trois ans et que j'appuie toujours avec fierté. Ce programme a pour vocation d'informer les élèves du secondaire du Nouveau-Brunswick sur la violence dans les fréquentations, les relations de violence, l'impact de la sexualité et des stéréotypes des médias sur leurs choix et leurs actions, et la capacité de reconnaître les signes précurseurs et d'éviter de devenir une victime.
Ce programme novateur éduque et forme les élèves pour les sensibiliser davantage et leur donne les compétences nécessaires pour relever des comportements négatifs de la part de leurs pairs et y résister. C'est une très grande réussite. Le Conseil national de prévention du crime a jugé que c'était un modèle pour la prévention de la criminalité chez les jeunes.
Une étude effectuée dans les écoles du Nouveau-Brunswick par le Centre de recherches sur la violence familiale Muriel McQueen Fergusson a montré que parmi les élèves sondés en 7e, 9e et 11e années, quelque 22 p. 100 des filles et quelque 12 p. 100 des garçons avaient déjà été victimes de violence psychologique ou physique dans leurs fréquentations. Il est particulièrement décourageant de noter que ces problèmes de violence avaient déjà commencé dès la septième année. Cette étude a été effectuée au Nouveau-Brunswick, mais je crois que d'autres provinces obtiendraient des chiffres semblables si elles effectuaient leurs propres recherches.
En s'entretenant avec des victimes de violence, on a découvert que cela ne commence pas à l'âge adulte ou après le mariage. Dans bien des cas, la violence commence lorsque ces gens sortent avec des filles ou des garçons, selon le cas. Il est prouvé que plus on reconnaît rapidement un comportement violent, plus on a de chances de briser le cycle de la violence. La clé consiste à identifier certains comportements avant qu'ils ne deviennent plus graves et avant que la violence physique ou les abus sexuels ne commencent.
Le programme «Making Waves» est conçu pour permettre à chaque école d'adapter son programme aux besoins locaux, ce qui permet de mieux relever et éliminer des problèmes avant qu'ils ne commencent ou deviennent trop graves. Cette initiative est considérée comme une des meilleures du genre au Canada et elle devrait servir de modèle à un programme semblable dans tout le pays.
Demain matin, les fondateurs du programme «Making Waves» et deux élèves participants seront dans la salle de lecture pour présenter leur programme unique et préciser ses répercussions sur la jeunesse du Nouveau-Brunswick. C'est le type de projet qui mérite un financement fédéral. Bien souvent, les gens participant à ces projets passent la moitié de leur temps à recueillir des fonds alors qu'ils devraient assurer les services de façon plus efficace. Ce programme est important, car il s'attaque aux racines du problème plutôt que d'essayer de réparer les torts déjà causés.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier ma collègue, le sénateur Carstairs, qui a eu l'amabilité d'accepter de parrainer avec moi cet événement. Nous sommes toutes deux heureuses d'avoir l'occasion de donner une plus grande visibilité à ce programme efficace et créatif au petit déjeuner demain matin dans notre salle de lecture, à 7 h 45.
Visiteurs de marque
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je tiens à vous signaler aujourd'hui la présence de visiteurs à notre tribune. Ce sont des membres des forces de réserve du Canada de l'armée de terre, de la marine, de l'aviation et des Rangers, qui sont ici pour commémorer la Journée des réservistes en uniforme, le 3 mai 2000.[Français]
Les réservistes sont des citoyens canadiens de tous les milieux, qui consacrent une partie de leur temps au service militaire. Il s'agit de professionnels, d'étudiants, de fonctionnaires, d'ouvriers, d'entrepreneurs et d'universitaires.
Au nom des honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
[Traduction]
(1350)
AFFAIRES COURANTES
L'état du système financier Canadien et international
Dépôt du rapport provisoire du comité des banques et du commerce sur l'étude
L'honorable E. Leo Kolber: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé «L'impôt sur les gains en capital».Je dois toutefois ajouter que je suis quelque peu gêné de dire qu'une copie de ce rapport semble être parvenue à un grand quotidien et qu'un article sur le rapport du comité est sorti ce matin. Comme le savent les honorables sénateurs, un récent rapport du Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure traitait de la question de la confidentialité de nos rapports. J'attends avec impatience l'étude de ce rapport et la découverte d'un moyen de mettre fin à ces fuites totalement inacceptables.
Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 97(3) du Règlement, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.
Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'agriculture et l'agroalimentaire
La crise agricole dans les Prairies-L'effet de la hausse du prix des carburants et du transport sur l'aide accordée aux céréaliers
L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Cela fait deux ans que nous entendons parler de la crise agricole, particulièrement dans les Prairies. Toutefois, les Prairies ne sont pas les seules à souffrir de la crise agricole. Je crois comprendre que, parce que le prix des produits de base a baissé de moitié, les agriculteurs de l'Ontario, particulièrement les céréaliers, en souffrent énormément, tout comme les agriculteurs de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Alberta, du Québec et de toute région qui dépend du prix des produits de base.Honorables sénateurs, nous entendons parler de cela depuis deux ans. Des groupes de gestion de la crise agricole ont été constitués. Hier, les agriculteurs ont reçu l'appui opportun de Mme Adrienne Clarkson, la Gouverneure générale du Canada. Dans son numéro d'aujourd'hui, le Leader Post rapportait ce qui suit:
Dans une entrevue qu'elle accordait au Leader Post mardi après-midi, Mme Clarkson s'est dite troublée que tant de jeunes estiment n'avoir d'autre choix que de quitter la ferme familiale et d'aller vivre à l'extérieur de la province.
«Ce changement dramatique modifiera tout le tissu social de la Saskatchewan.»
Madame Clarkson estime que les Canadiens comprennent mal les épreuves que traversent les agriculteurs de la Saskatchewan...
La Gouverneure générale reconnaît que nous faisons face à un problème national.
Certains feront valoir que le gouvernement a accordé une aide financière. Toutefois, les compagnies ferroviaires viennent d'augmenter le prix du transport du grain de 4,5 p. 100. Cette hausse annulera l'effet de l'aide accordée jusqu'à maintenant par le gouvernement. L'augmentation des prix du combustible avalera une partie des fonds d'aide constitués pour les agriculteurs. Le gouvernement reconnaît-il la grave situation dans laquelle se trouvent les producteurs de grain et les répercussions qu'elle aura sur l'ensemble de la structure au Canada?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur d'avoir soulevé cette question encore une fois. Je suis évidemment au courant des préoccupations de mon collègue à ce sujet, tout comme les autres ministres, puisque je leur en ai fait part à plusieurs reprises.
Les prix des produits de base continuent de poser un sérieux problème et, comme les honorables sénateurs le savent mieux que moi, ces prix dépendent de nombreux facteurs, dont le temps qu'il fait, les subventions gouvernementales, le coût des transports et toutes sortes d'autres facteurs connexes.
Le gouvernement a réagi, et je ne vais pas énumérer tous les programmes qu'il a créés et toutes les mesures qu'il a prises. Cependant, je crois que l'honorable sénateur a reconnu que l'intervention du gouvernement fédéral a été bien accueillie par les premiers ministres du Manitoba et de la Saskatchewan, les deux gouvernements provinciaux les plus directement concernés.
L'honorable sénateur a également porté à mon attention la situation de la Société du crédit agricole et la crainte de nombreux agriculteurs de perdre leurs fermes à très court terme et de se retrouver ainsi en situation de crise. J'ai pu obtenir à ce sujet de l'information, dont je donnerai copie à l'honorable sénateur Gustafson.
Honorables sénateurs, je ne veux pas atténuer la situation, mais certains renseignements que j'ai reçus sont quelque peu apaisants. Par exemple, les clients de la Société du crédit agricole arrivent à effectuer leurs paiements malgré la baisse des prix des produits de base. À la fin de mars 2000, qui correspond à la fin de l'année financière de la Société du crédit agricole, 95 p. 100 des comptes étaient à jour à l'échelle du pays. En Saskatchewan, le pourcentage est un peu moindre, soit 93 p. 100.
De plus, le niveau des comptes en souffrance n'a pas augmenté considérablement, bien qu'il affiche une tendance à la hausse. Par exemple, en Saskatchewan, à la fin de mars 2000, on comptait 674 comptes en souffrance comparativement à 552 à la même époque l'an dernier. Il y a eu une augmentation, mais elle n'est cependant pas catastrophique. Au Manitoba, il y avait 159 comptes en souffrance comparativement à 142 à la même époque l'an dernier.
La Société du crédit agricole m'a assuré qu'elle continuerait à surveiller le montant total des sommes en retard et le nombre des comptes en souffrance. Elle m'a aussi assuré qu'elle poursuivrait les discussions avec le ministre fédéral et les deux ministres provinciaux de l'Agriculture.
La crise agricole dans les Prairies-Le niveau des subventions publiques
L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, le ministre souligne le fait que les agriculteurs ont reçu de l'argent. Lors de la rencontre des premiers ministres provinciaux avec le premier ministre, des fonds ont été débloqués. Ces sommes sont versées actuellement aux agriculteurs. Les grandes entreprises agricoles pourraient recevoir tout au plus 7 500 $, mais en moyenne, le montant s'élèvera à 3 000 $. Comme je l'ai déjà dit, cette somme ne couvrira même pas pendant deux mois la hausse du prix du carburant.(1400)
En ce qui concerne les subventions agricoles, mon leader parlementaire m'a remis un rapport du New York Times dans lequel on précise que le Congrès vient d'accorder 7,1 milliards de dollars d'aide à l'agriculture.
Les Américains sont conscients de faire face à un problème national d'envergure. Le Canada ne semble pas reconnaître qu'il se trouve dans la même situation. Pour résoudre ce problème, il faudra dégager des fonds réels et non se contenter d'accorder un petit peu d'aide à gauche ou à droite. L'agriculture est confrontée à un problème grave.
L'article paru dans le Times du 14 avril ajoute que les subventions agricoles étaient censées disparaître, mais qu'elles sont toujours là. Le gouvernement du Canada doit se rendre compte de la réalité. S'il demeure en retrait et n'adopte pas les mesures qui s'imposent, les Américains s'empareront de ce pays.
Les honorables sénateurs savent-ils combien coûte l'acquisition d'un quart de section de terrain en Saskatchewan à l'heure actuelle en dollars américains? Avec 20 000 $ américains, on peut acheter un quart de section de terrain, soit 160 acres. Des entreprises allemandes achètent des terres, surtout au Manitoba.
La question importante est de savoir si le gouvernement saura adopter une démarche sérieuse. Selon moi, il faudra injecter quelques milliards de dollars par année. Le gouvernement se vante d'avoir des excédents. Est-il disposé à utiliser une partie de ces excédents pour sauver une des plus importantes industries du pays, soit celle de l'agriculture?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, quel que soit le programme ou l'initiative du gouvernement, il y a toujours lieu de se demander «à quel moment on en a assez fait». Peu importe l'apport, certains souligneront, et dans la plupart des cas à juste titre, que l'on devrait en faire plus et que plus de fonds devraient être engagés. C'est vrai dans le domaine de l'aide agricole, mais c'est aussi vrai dans bon nombre d'autres secteurs. Le gouvernement doit fonctionner avec des ressources limitées. À titre d'exemple, nous ne serons jamais capables d'égaler les subventions offertes par les États-Unis ou par la Communauté européenne. Je ne crois pas que l'honorable sénateur ou qui que ce soit d'autre veuille laisser entendre que nous devrions chercher à agir de la sorte.
Les premiers ministres du Manitoba et de la Saskatchewan sont venus à Ottawa en vue de négocier un accord d'aide qui serait réel et utile et qui aurait des effets dans leurs provinces. Lorsque l'accord a été conclu, les premiers ministres ont souligné qu'ils estimaient avoir connu du succès à cet égard.
'aide est-elle suffisante? J'accepte l'opinion du sénateur qu'elle ne l'est pas, mais je puis dire que le gouvernement a pris jusqu'à présent des mesures importantes. Au bout du compte, comme lui et moi le savons, la solution à long terme consiste à réduire et à éliminer les subventions versées par tous les pays et à permettre à nos agriculteurs de livrer concurrence selon des règles du jeu équitables. Nos agriculteurs sont évidemment beaucoup plus efficaces que leurs concurrents partout dans le monde.
Le sénateur Gustafson: Honorables sénateurs, qu'arrivera-t-il si les agriculteurs disparaissent? Les faillites sont à l'ordre du jour. Un de mes voisins a fait faillite il y a quelques jours. J'ai assisté à une vente organisée par un agriculteur qui vendait toutes ses machines agricoles parce qu'il abandonne l'agriculture. Sa moissonneuse-batteuse était plutôt en bon état, mais il l'a vendue pour 5 000 $. Nous n'entendons pas parler de la plupart de ces cas.
Voilà le genre de choses qui se passent. Je serais le dernier à pleurer. Il est démoralisant d'avoir à le faire, mais nous devons insister auprès du Sénat et du reste du pays sur l'importance de ce secteur.
Je le demande encore une fois, le ministre fera-t-il valoir auprès du Cabinet les décisions importantes qu'il faut prendre pour que l'agriculture prospère au Canada?
Je voudrais poser une autre question. Il faudra peut-être verser des subventions éternellement, mais la crise agricole va bien au-delà des subventions. Les sociétés ferroviaires peuvent hausser leur tarif marchandises de 4,5 p. 100. Le revenu que les agriculteurs tirent de la chaîne de production alimentaire représente à l'heure actuelle 0,07 p. 100 de leur investissement, d'après l'Union des agriculteurs. Certaines des entreprises de transformation obtiennent jusqu'à 30 p. 100 de rendement sur leur investissement. Les fabricants de machines agricoles obtiennent de 18 à 25 p. 100 de rendement sur leur investissement. Pourquoi les agriculteurs ne peuvent-ils pas obtenir un prix raisonnable pour leur produit? Nous touchons, semble-t-il, 6 cents sur un pain. Le Canada doit s'attaquer à ce problème, sinon nous disparaîtrons.
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà fait, j'accepte sans hésitation de transmettre ces préoccupations et de signaler ce problème à mes collègues du Cabinet, et je vais continuer de le faire. Je vais continuer également de surveiller périodiquement la situation du crédit auprès de la Société du crédit agricole afin que le ministre fédéral, les ministres provinciaux et les responsables de la Société du crédit agricole aient toujours un tableau à jour de ce qui se passe dans le monde agricole en ce qui a trait au crédit et aux crises financières qui peuvent se produire. J'en prends sans hésitation l'engagement auprès de l'honorable sénateur.
La crise agricole dans les provinces des Prairies-La souplesse des programmes d'aide-Les initiatives du gouvernement relatives à la question des subventions internationales
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je prends la parole pour une question complémentaire. Les réponses du ministre me gênent à deux égards. Il a dit que, selon la Société du crédit agricole, 93 p. 100 des agriculteurs avaient satisfait à leurs obligations de remboursement de leur emprunt. C'est une réponse qui concerne la majorité. Si la majorité satisfait à ces obligations, tout est bien. Pour ma part, je me soucie des 7 p. 100 qui n'ont pas pu rembourser. Ils n'avaient probablement pas de parent avec un peu d'argent de côté. Ils n'avaient probablement pas de matériel ou de terres en trop.Nous parlons de nouveau des plus pauvres parmi les pauvres de notre pays, du pauvre agriculteur qui n'a pas d'autre solution, de l'agriculteur qui a probablement grandi dans une ferme en Saskatchewan, qui ne connaît rien d'autre, qui n'a probablement pas reçu l'éducation nécessaire pour faire autre chose parce que, à l'époque, il y avait encore un avenir dans l'agriculture.
Honorables sénateurs, ce n'est pas seulement un agriculteur que nous perdons, c'est toute une famille. C'est une ressource que nous perdons en Saskatchewan. Cela ne compte-t-il pas? Le système de crédit agricole ne devrait-il pas comporter des règles permettant d'aider les plus nécessiteux? Pourquoi opérons-nous sur la base de pourcentages, nous contentant de dire que puisque 93 p. 100 ont remboursé, tout va bien? Un grand nombre de ceux qui ont remboursé ont eu du mal à le faire. Beaucoup sont dans la misère. Ce n'est pas qu'ils ne sont pas de bons agriculteurs. C'est qu'ils n'ont pas les moyens.
Honorables sénateurs, vous avez entendu les chiffres cités par le sénateur Gustafson. L'agriculture ne rapporte pas en ce moment. Les agriculteurs essayent d'attendre que les choses s'améliorent. Le gouvernement a bien une responsabilité là-dedans. La Société du crédit agricole devrait bien tenir compte de cet état de choses. Ses règles sont inflexibles. Le gouvernement pourrait-il les assouplir un peu, de manière à tenir compte de certaines de ces situations?
J'ai une seconde question. Le gouvernement continue à dire que le problème est dû en partie au fait que les provinces doivent faire davantage mais, plus précisément, qu'il est causé par les subventions dans les autres pays. Quel est le plan du gouvernement pour s'attaquer à la question des subventions?
Le ministre est allé à la réunion de l'OMC et il a dit que nous aborderions plus spécifiquement la question des subventions. Les Européens ont dit qu'ils diminueraient leurs subventions, mais pas avant trois ans. Ils disposent d'un délai de trois ans pour soutenir leurs agriculteurs. Nous savons ce que les Américains font. Quelle est notre stratégie internationale? Que faisons-nous en matière de politique étrangère pour nous attaquer à la question des subventions? Il n'y a pas d'initiative ingénieuse du Groupe de Cairns comme celle que nous avions il y a plusieurs années. Il n'y a pas d'initiative nouvelle. Que fait le gouvernement au niveau international dans le dossier des subventions?
(1410)
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, deux questions ont été posées, et je vais tenter d'y répondre. En ce qui concerne le pourcentage d'agriculteurs qui semblent éprouver des problèmes de crédit, même s'il n'y a qu'une seule famille d'agriculteurs qui est incapable d'honorer ses obligations financières et qui éprouve un énorme problème de crédit, la situation est sérieuse, particulièrement pour cette famille. Je disais autrefois que, si une seule personne était au chômage, et que cette personne, c'était moi, je ne pourrais pas me consoler en sachant que le taux de chômage est faible. Je n'essaie pas de minimiser la situation lorsque je dis cela. On s'inquiète du fait qu'un pourcentage énorme de gens qui ont recours au crédit agricole doivent affronter cette crise. Je ne suis au courant d'aucun programme de prêt, qu'il soit géré par le gouvernement ou par le secteur privé, dans lequel tous les remboursements sont faits à temps. Si on demandait aux dirigeants de la Banque de Nouvelle-Écosse, de l'autre côté de la rue, d'examiner leur portefeuille de prêts, on constaterait qu'un certain pourcentage d'emprunts sont arriérés, ce qui est assez normal. Il semble que la situation qui nous occupe ne soit pas bien différente de celle que je viens de mentionner. Cependant, pour une famille d'agriculteurs qui éprouve ces difficultés, la situation est extrêmement grave.
Il est utile d'examiner les chiffres dans leur ensemble pour constater l'ampleur du problème. Je vais transmettre les préoccupations et le point de vue du sénateur. Les cadres de la Société du crédit agricole m'ont déjà assuré qu'ils continueront de surveiller régulièrement la situation et d'en discuter avec les ministres responsables.
Le sénateur a également demandé quels efforts nous faisons auprès de l'Organisation mondiale du commerce. La position du Canada a toujours été claire et, chaque fois que l'occasion se présente, le ministre explique cette position aussi vigoureusement que possible. La tâche n'est pas facile. De toute évidence, nous ne réussirons pas du premier coup et du jour au lendemain. J'admets que la démarche est longue et constante. Si j'en juge par les entretiens que j'ai eus avec le ministre, il déploie de gros efforts et saisit toutes les occasions pour faire valoir le point de vue du Canada.
Le sénateur Andreychuk: Le ministre pourra-t-il déposer la stratégie sur les subventions dans le contexte de l'OMC, au lieu de dire simplement qu'il poursuivra la discussion? Je n'ai pas pu obtenir de document qui expose cette stratégie. Il est extrêmement important de signaler au moins aux agriculteurs que des mesures sont prises. Si le ministre veut bien prendre cet engagement, je reviendrai à la question du crédit agricole.
Honorables sénateurs, il ne reste plus aucun agriculteur inefficace en Saskatchewan; ils sont partis depuis bien des années. Le sénateur Gustafson peut vous donner toutes les statistiques à cet égard. Nous ne parlons pas ici d'un certain nombre de retardataires en défaut de paiement, comme on le ferait dans une banque ou une autre institution. Nous parlons d'agriculteurs qui étaient efficaces et qui se trouvent dans une situation de crise dont ils ne sont absolument pas responsables. Ils ont épuisé leurs propres ressources et toutes les autres ressources à leur disposition. Il est peu réconfortant de voir que d'autres personnes peuvent compter sur l'appui de leurs proches. Je connais des familles qui ont hypothéqué des maisons à la ville pour rembourser les prêts agricoles de certains des leurs. Cela offre peu de réconfort à celui qui a ni proches ni ressources. Voilà pourquoi je dis que cette crise frappe les plus pauvres parmi les pauvres. Parlez-en à ces familles et à leurs enfants. Voilà la question. Il ne s'agit plus de statistiques, mais d'une question humanitaire.
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je ne veux pas répéter ce que j'ai dit à ce sujet. L'information que je possède ne donne aucun détail quant à l'importance des arriérés, elle ne décrit que la catégorie globale des agriculteurs retardataires. Cependant, je ne crois pas qu'ils soient en défaut de paiement par leur faute. De toute évidence, ils sont aux prises avec une situation difficile. Si un agriculteur ou une famille agricole se trouvent dans cette situation, nous devrions tous nous en préoccuper. J'ai simplement cité les chiffres pour donner aux honorables sénateurs une image globale des circonstances à une date précise, soit le 31 mars de cette année. À cette date,95 p. 100 des agriculteurs du pays avaient remboursé leurs emprunts à temps; tout était à jour. Je ne crois pas que nous devrions minimiser la question ou extrapoler au-delà de ce que disent les statistiques, et ce n'est pas mon intention.
Quant aux détails que l'honorable sénateur demande, je vais certes transmettre sa demande et lui procurer tous les détails possibles.
Le faible taux de rendement pour les producteurs-La réponse du gouvernement
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je désire poser une question complémentaire. Outre la stratégie du gouvernement, il existe un autre document sur la question des subventions. Un ancien collègue et un collègue du côté ministériel à la Chambre, soit M. Dennis Mills et M. Ralph Ferguson, ont souligné le fait que les producteurs ne reçoivent pas une juste part. Le sénateur Gustafson vient d'expliquer à quel point c'est injuste et Dennis Mills a présenté une proposition à cet égard.J'aimerais connaître la politique du gouvernement pour rétrécir l'écart scandaleux qu'il y a entre ce que reçoivent les transformateurs et d'autres, d'une part, et ce que reçoit le producteur qui obtient un rendement négatif et qui est coincé.
Ce n'est pas le genre de situation qu'un gouvernement saurait considérer avec sérénité. Autrefois, on contrôlait les prix et les salaires. Ce n'est pas ce que je prône, mais j'estime qu'une structure économique qui permet à tous les intervenants d'une industrie de faire d'énormes profits, alors que les producteurs accusent un rendement négatif et se trouvent dans une situation déplorable, ne doit pas être tolérée. Quel est le plan d'action que le gouvernement se propose de mettre en oeuvre pour régler l'écart des prix dans ce secteur?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne connais pas le plan dont parle l'honorable sénateur. Si M. Mills a proposé un plan détaillé pour corriger cette situation, je serais heureux de savoir jusqu'à quel point il entend intervenir face aux forces normales du marché dans le cas qui nous occupe.
Je serais heureux de demander au ministre de l'Agriculture quelles sont les initiatives, le cas échéant, qui sont à l'étude dans ce secteur. Je serais certes heureux de recevoir, soit de l'honorable sénateur, soit de son caucus, des suggestions quant à des mesures efficaces qui pourraient être envisagées et de transmettre toute recommandation précise.
Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, l'honorable leader du gouvernement au Sénat a-t-il lu les documents qu'ont soumis Ralph Ferguson et Dennis Mills?
Le sénateur Boudreau: Non, je n'ai pas lu ces documents.
Le sénateur Spivak: Le leader pourrait commencer par cela.
La défense nationale
Le remplacement des hélicoptères Sea King-La déclaration d'anciens pilotes de Sea King et d'ingénieurs concernant la sécurité de ces appareils
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, j'ai passé en revue et versé au compte rendu le rapport concernant l'appareil Talon41. Il y a quelques minutes, je vous ai donné lecture d'une déclaration faisant état des préoccupations de quatre personnalités des plus respectées dans la communauté des pilotes des Sea King au Canada. Ils ont déclaré:Le ministre ira-t-il chez le premier ministre dès cet après-midi pour lui demander de démarrer le programme de remplacement des hélicoptères maritimes avant que ne se produise un drame sérieux, oui ou non?[...] nous pensons qu'on a étiré l'élastique jusqu'à la limite. S'il casse et cause une catastrophe, la faute rejaillira sur un seul homme, celui qui retarde la mise en oeuvre du nouveau projet d'acquisition d'hélicoptères maritimes. Nous espérons que vous nous écoutez, monsieur le premier ministre.
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette question appelle une réponse un peu plus complète qu'un simple oui ou non. En fait, le sénateur laisse entendre que les pilotes de Sea King sont chargés de missions mettant leur vie en danger en raison du matériel dont ils sont dotés. C'est une accusation assez grave et importante.
(1420)
Le sénateur Forrestall: La rejetteriez-vous?
Le sénateur Boudreau: Comme je ne suis pas un expert dans le domaine militaire, je me suis informé auprès d'eux. Pas plus tard que ce matin, j'ai rencontré les hautes autorités militaires et je leur ai posé la question. Je leur ai dit qu'on avait laissé entendre que les hauts dirigeants militaires envoient des membres de nos forces armées travailler avec du matériel qui met leur vie en danger. Certaines personnes remettent maintenant en question les opinions, idées et déclarations de nos plus hauts gradés. Qui devons-nous croire? Comme je sais que les sénateurs d'en face seront sûrement sceptiques, je leur ai demandé sur quoi ils se basaient pour dire que les hélicoptères Sea King sont en mesure de remplir les missions auxquelles on affecte le matériel et l'équipage.
Puisque la question a fait l'objet de discussions approfondies, à quelques reprises, particulièrement hier, j'aimerais prendre une minute ou deux pour faire part aux sénateurs des renseignements qui m'ont été fournis ce matin par les officiers hauts gradés.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous pouvez les nommer.
Le sénateur Boudreau: Je fournirai une liste de leurs noms.
Honorables sénateurs, j'aimerais dire deux mots sur le genre de programmes d'entretien auxquels ce matériel est soumis en ce moment. De façon générale, le personnel militaire effectue une inspection complète du matériel après 600 heures de vol. Après 2400 heures, une inspection totale est effectuée par IMP Aerospace à l'administration centrale et à Halifax, et chaque année, environ cinq appareils sont démantelés, inspectés et réassemblés pour s'assurer qu'ils peuvent remplir les tâches qui leur sont confiées.
J'aimerais maintenant faire part aux sénateurs inquiets de certains des programmes qui ont été mis sur pied pour garantir que ce matériel militaire est fiable.
Il y a un programme permanent qui prévoit l'entretien et la réparation de la partie centrale et qui porte sur la légitimité du fuselage de l'appareil. Ce programme coûte 18 millions de dollars et est en cours. Vingt et un des 30 hélicoptères militaires ont été révisés jusqu'ici. Le programme prévoit que les neuf autres appareils le seront d'ici 2002. C'est un programme qui coûte 18 millions de dollars et il ne porte que sur un élément précis de l'entretien et de la réparation.
Il y a également un programme permanent d'augmentation de la puissance du moteur, d'une valeur de 10,4 millions de dollars. Des mêmes trente appareils, neuf ont été révisés et les autres le seront d'ici octobre 2003.
Il y a un programme d'amélioration de la boîte d'engrenage principale. Je dois dire que l'incident précis dont le sénateur a parlé hier au Sénat avait trait à la boîte d'engrenage. Ce programme permanent de mise à niveau coûte également 18 millions de dollars. Trois des 30 hélicoptères ont été révisés et les autres le seront d'ici février 2002.
Je ne voudrais pas m'éterniser, honorables sénateurs, mais je le pourrais. Il existe également un programme d'amélioration du dispositif d'assemblage de la roue de queue.
Des voix: Poursuivez, poursuivez.
Le sénateur Boudreau: Puis il y a un programme de vérification de l'indicateur d'altitude, et un programme d'amélioration du système d'acheminement et de calage de la conduite de carburant du compartiment moteur, et c'est loin d'être tout.
Honorables sénateurs, reconnaissons le mérite de nos hauts gradés. Hésiteraient-ils moins que nous à envoyer en mission leurs propres employés qui seraient mal équipés? J'en doute. Je ne porterais certainement pas une telle accusation contre eux. En fait, ils m'ont fourni des renseignements qui font état de l'existence d'un programme exhaustif et sûr pour garantir que les hélicoptères Sea King soient toujours en bon état de fonctionnement.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question supplémentaire.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.
Des voix: Prolongation!
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée de prolonger la période des questions?
Des voix: Non.
Le sénateur Hays: C'est une courte journée, honorables sénateurs.
Des voix: Oh, oh!
Son Honneur le Président pro tempore: Je regrette, honorables sénateurs, mais le consentement unanime est refusé.
Réponses différées à des questions orales
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que le sénateur Roche a posée au Sénat, le 5 avril 2000, sur les sanctions contre l'Iraq et le rapport du secrétaire général; une réponse à une question que les sénateurs Gustafson et Andreychuk ont posée au Sénat, le 5 avril 2000, sur la crise agricole dans les provinces des Prairies; une réponse à une question que le sénateur Forrestall a posée au Sénat, les 5 et 6 avril 2000, sur le Kosovo et la résolution sur le retour des forces serbes; une réponse à une question que le sénateur Oliver a posée au Sénat, le 6 avril 2000, sur la Nouvelle-Écosse et l'effet du projet de réduction des effectifs à Halifax; une réponse à une question que le sénateur Carney a posée au Sénat, le 6 avril 2000, sur Ucluelet-Tofino, en Colombie-Britannique, et la demande de remplacement du système des baux de pêche; une réponse à une question que le sénateur LeBreton a posée au Sénat, le 7 avril 2000, sur le prétendu rôle du cabinet du premier ministre dans l'achat d'un immeuble à Hull, au Québec; une réponse à une question que le sénateur Forrestall a posée au Sénat, le 7 avril 2000, sur la Yougoslavie, le roulement dans le rapatriement des soldats de la paix et les problèmes des vols de rapatriement; une réponse à une question que les sénateurs Roche et Andreychuk ont posée au Sénat, le 7 avril 2000, sur le niveau de rémunération des agents du service extérieur; une réponse à une question que le sénateur Lynch-Staunton a posée au Sénat, le 11 avril 2000, sur Israël, le déploiement de mines antichar à neutrons et la possibilité de démarches faites par le premier ministre pendant sa visite; une réponse à une question que le sénateur Nolin a posée au Sénat, le 11 avril 2000, concernant le rapport du vérificateur général sur les méthodes de la Gendarmerie royale du Canada lors du prélèvement d'empreintes génétiques; une réponse à une question que les sénateurs Oliver et Comeau ont posée au Sénat, le 12 avril 2000, sur la formule d'enregistrement des armes à feu et la nature des renseignements personnels requis; une réponse à une question que le sénateur Meighen a posée au Sénat, le 13 avril 2000, sur la possibilité de suspendre le programme de vaccination contre le charbon; une réponse à une question que le sénateur Stratton a posée au Sénat, le 13 avril 2000, sur les inondations au Manitoba et en Saskatchewan et la possibilité d'une aide.Les Nations Unies
Les sanctions contre l'Iraq-La position du gouvernement
(Réponse à la question posée par l'honorable Douglas Roche le 5 avril 2000)Tout au long de 1999, le Canada s'est efforcé d'amener le Conseil de sécurité de l'ONU à réexaminer la question de l'Iraq afin d'améliorer la situation de ce pays sur le plan humanitaire et de forcer le retour des inspecteurs de l'armement. Comme vous le savez, l'idée de former en janvier 1999 trois groupes d'experts chargés d'examiner l'état des questions humanitaires, du désarmement et des prisonniers de guerre koweïtiens venait du Canada. Les rapports des groupes d'experts ont joué un rôle déterminant dans l'élaboration d'une résolution du Conseil de sécurité en vue de résoudre l'épineuse question de l'Iraq.
Le 17 décembre 1999, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté la résolution de portée générale sur l'Iraq. Cette résolution porte sur le rétablissement de la Commission de contrôle, de vérification et d'inspection des Nations Unies (COCOVINU), un organisme de l'ONU, en remplacement de la Commission spéciale des Nations Unies (CSNU), qui a quitté l'Iraq au début de la campagne de bombardement, en décembre 1998. La résolution prévoit également des modifications à la nature et à la livraison des produits et fournitures humanitaires autorisés en vertu du régime de sanctions actuel, et établit des conditions de désarmement claires pour la levée des sanctions.
L'adoption de la résolution a déclenché l'application à terme d'un certain nombre de dispositions humanitaires clés qui peuvent être mises en oeuvre sans concessions réciproques de la part des Iraquiens. Ces dispositions comprennent l'élimination du plafond sur les exportations de pétrole, l'ajout d'une fraction en espèces aux contrats humanitaires afin de faciliter leur exécution sur place, et l'accélération du processus d'approbation des produits et fournitures humanitaires. Le plafond établi pour les exportations de pétrole a été levé, et l'Iraq décide maintenant de la quantité de pétrole qu'il exporte. L'élaboration de la liste pré-approuvée des denrées alimentaires, du matériel scolaire et des produits, fournitures et équipements destinés aux secteurs de la médecine et de l'agriculture est terminée et a été approuvée par le Conseil de sécurité; cette liste permettra d'accélérer le processus d'approbation et de livraison des produits et fournitures humanitaires. Les dispositions d'ordre humanitaire contenues dans la résolution 1284 contiennent des mesures concrètes visant à corriger la situation à laquelle la population iraquienne fait face. La résolution contient également un plan de suspension et de levée des sanctions, et d'investissement accru dans l'industrie pétrolière iraquienne.
Le Canada cherche activement à améliorer la situation de l'Iraq sur le plan humanitaire, et il s'est employé à assurer l'inclusion de dispositions d'ordre humanitaire dans le résolution 1284 du Conseil de sécurité. Jusqu'à maintenant, et malgré la préoccupation grandissante de la communauté internationale face à la situation de l'Iraq sur le plan humanitaire, le gouvernement de Saddam Hussein a refusé les dispositions contenues dans la résolution 1284 du Conseil de sécurité. Le gouvernement de l'Iraq doit assumer la responsabilité des sanctions parce qu'il ne prend pas les mesures pouvant mener à leur suspension.
Le rapport «Nous, les peuples» peut être consulté sur le site Internet à l'adresse suivante: http://www.un.org/millenium/sg/report.
L'agriculture et l'agroalimentaire
La crise agricole dans les Prairies-L'aide financière aux agriculteurs-Les exigences des banques-La Société du crédit agricole-Les conséquences d'une aide financière pour les agriculteurs
(Réponse aux questions posées par l'honorable Leonard J. Gustafson et l'honorable A. Raynell Andreychuk le 5 avril 2000)- Des hauts fonctionnaires de la Société du crédit agricole (SCA) ont rencontré en Saskatchewan le ministre Vanclief et le ministre provincial, Duane Lingenfelter, pour discuter de la situation et du programme mis en oeuvre par la SCA afin de trouver des solutions en travaillant étroitement avec les clients.
- La Société du crédit agricole comprend la gravité de la situation dans laquelle se trouvent bon nombre d'agriculteurs canadiens en raison de la faiblesse des cours des denrées.
- Le personnel de la SCA a communiqué de façon proactive avec les clients afin de discuter de leur situation financière. Le gouvernement encourage ceux-ci à prendre l'initiative de contacter leur institution financière avant l'échéance de leurs paiements plutôt que d'attendre de recevoir un avis de compte en souffrance.
- Les clients de la SCA réussissent à faire leurs paiements malgré la chute des cours des denrées. À la fin de mars 2000 (fin d'exercice de la SCA), 95 p. 100 des comptes étaient à jour à l'échelle nationale et 93 p. 100 l'étaient en Saskatchewan.
- Il n'y a pas eu d'augmentation marquée des niveaux d'arriérés, bien qu'ils soient à la hausse. En Saskatchewan, à la fin de mars 2000, 674 clients avaient un arriéré comparativement à 552 à la même date l'an dernier, tandis qu'au Manitoba, ces chiffres étaient respectivement de 159 et 142. La SCA continuera donc de suivre la situation de près au cours de la prochaine année.
Les Nations Unies
Le Kosovo-La résolution sur le retour des forces serbes-La politique du gouvernement
(Réponse aux questions posées par l'honorable J. Michael Forrestall les 5 et 6 avril 2000)L'Accord militaire technique signé par la République fédérale de Yougoslavie et par la KFOR prévoit le retour d'un nombre limité de militaires yougoslaves au Kosovo pour y accomplir des fonctions très précises, comme celle d'assurer une présence dans les lieux culturels. Cependant, tout retour de militaires yougoslaves sera régi par un accord distinct qui ne sera conclu qu'au moment jugé opportun par le commandant de la KFOR. De toute évidence, ce dernier ne croit pas que le moment soit venu d'envisager le retour de militaires yougoslaves au Kosovo - un point de vue que partage le gouvernement du Canada.
La Société Radio-Canada
La Nouvelle-Écosse-L'incidence des compressions proposées sur les employés à Halifax
(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 6 avril 2000)- La SRC est une société d'État autonome à laquelle la Loi sur la radiodiffusion confère une indépendance en ce qui a trait aux activités journalistiques, à la création et à la programmation. Elle est donc responsable de tous les aspects de son fonctionnement.
- Le conseil d'administration est responsable de la gestion de la SRC et comprend un groupe représentatif de Canadiens. Le conseil établit l'ensemble de l'orientation stratégique pour la SRC dans le cadre de travail créé par la Loi sur la radiodiffusion, et il approuve toutes les décisions importantes sur le plan financier.
- En décembre 1999, le président de la SRC, M. Robert Rabinovitch, a annoncé la création d'un groupe de travail chargé de la réingénierie. Ce groupe s'est d'abord penché sur quatre secteurs clés: la restructuration de la télévision de langue anglaise, les émissions de sport, la gestion de la propriété et le système de transmission et de distribution.
- Le président de la SRC a indiqué qu'il s'agit d'un groupe permanent qui fera part, de temps à autre, de ses conclusions au conseil d'administration de la SRC.
- Les médias ont récemment spéculé sur d'éventuelles mises à pied dans le secteur de la télévision de langue anglaise ainsi que sur la réduction possible du nombre d'émissions locales et régionales.
- Toutefois, la SRC n'a pas annoncé de décisions découlant du processus de réingénierie actuellement en cours. Il serait donc inutile de spéculer sur les résultats éventuels de cet exercice interne.
- La haute direction de la SRC a souligné que celle-ci s'est fixé comme priorité de garantir aux contribuables des services qui correspondent à leur investissement dans la radiodiffusion publique. Elle a ajouté que, même si une restructuration interne s'impose, la SRC demeure fermement résolue à présenter une programmation qui reflète les intérêts des régions.
- Le gouvernement fédéral reconnaît l'importance de fournir à la SRC la stabilité financière dont elle a besoin pour remplir adéquatement son mandat en qualité de radiodiffuseur public national. La SRC a, entre autres, la responsabilité d'offrir une programmation qui «renseigne, éclaire et divertit» et qui reflète la réalité du Canada et de ses régions.
- Pendant l'exercice financier en cours (2000-2001), la SRC recevra plus de 900 millions de dollars en crédits parlementaires. Elle a également accès, par l'intermédiaire des producteurs indépendants, au Fonds canadien de télévision de 200 millions de dollars. En outre, la SRC génère chaque année plus de 400 millions de dollars en recettes de sources commerciales provenant notamment de la publicité, de la vente d'émissions et des activités de ses services de télévision spécialisés - Newsworld et le Réseau de l'information.
Les pêches et les océans
Ucluelet-Tofino, en Colombie-Britannique-Demande de remplacement du système des baux de pêche
(Réponse à la question posée par l'honorable Pat Carney le 6 avril 2000)Afin d'obtenir un privilège de permis de pêche commerciale, il faut prouver sa citoyenneté canadienne, être âgé d'au moins 16 ans et payer les frais de permis applicables. Dans la région du Pacifique, le ministère des Pêches et des Océans n'impose habituellement aucune restriction à la location de permis de pêche et il n'exige pas non plus que le titulaire d'un permis soit lui-même pêcheur. Pour ce qui est du lieu de résidence, le MPO n'a aucun pouvoir légal pour exiger du titulaire qu'il réside en un lieu précis.
Le ministère a étudié certaines propositions visant à empêcher la location à bail de permis, par exemple, en exigeant que le détenteur du permis en soit également l'exploitant. Ces propositions ont été étudiées lors de deux examens majeurs des politiques de délivrance des permis, et la question a également été soulevée à la Table ronde sur les politiques du Pacifique. Ce fut une question controversée, sur laquelle aucun consensus n'a été dégagé. Imposer des restrictions quant à la propriété ou à la location à bail des permis serait à la fois difficile et coûteux à appliquer. De plus, de nombreux participants de longue date aux pêches du saumon et du hareng ont été régulièrement locataires de leurs permis (et, dans certains cas, de leurs bateaux). Si les règles étaient changées pour éliminer cette pratique, un grand nombre de ces pêcheurs qui sont résidants des collectivités côtières pourraient se voir exclus de l'industrie.
L'acquisition communautaire d'un permis de pêche est possible, mais le MPO n'a pas le mandat d'offrir des permis ou des contingents de pêche aux collectivités côtières afin de soutenir leur développement économique. Tout relâchement dans l'application de cette politique créerait de la concurrence entre les collectivités pour l'obtention de fonds gouvernementaux, aux fins de l'achat de permis et de contingents de pêche; en outre, cela compliquerait énormément la situation et politiserait davantage le processus de répartition de la ressource et de délivrance des permis de pêche.
Les travaux publics et les services gouvernementaux
Le prétendu rôle du cabinet du premier ministre dans l'achat d'un immeuble à Hull, au Québec
(Réponse à la question posée par l'honorable Marjory LeBreton le 7 avril 2000)- Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux est un important propriétaire d'immeubles qui fournit des locaux aux fonctionnaires et aux parlementaires partout au Canada.
- En 1991, TPSGC a signé un contrat de bail de 25 ans avec le locateur, avec l'option d'acheter l'édifice à la fin du bail.
- Le gouvernement du Canada a fait une offre juste, valable et raisonnable en vue d'acheter l'édifice Louis St-Laurent. L'offre du 3 mars 2000 était équivalente à la valeur résiduelle du contrat conclu en 1991 avec le locateur et créancier hypothécaire. Cette offre a été rejetée le 31 mars 2000.
- Le ministère de la Défense nationale a besoin de locaux stables à long terme et cet édifice joue un rôle important à cet égard.
- Quant aux allégations voulant que certaines personnes aient omis de s'enregistrer en conformité avec la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, le ministre de l'Industrie a précisé que le Bureau du conseiller en éthique allait se pencher sur cette question.
La défense nationale
La Yougoslavie-Le roulement des casques bleus-Les problèmes des vols de rapatriement
(Réponse à la question posée par l'honorableJ. Michael Forrestall le 7 avril 2000)La sécurité et le bien-être des membres des Forces canadiennes (FC) qui sont déployés à l'étranger est de toute première importance, et le ministère de la Défense nationale prend tous les moyens raisonnables pour que les besoins de ses militaires soient comblés.
À la mi-décembre 1999, 1 300 membres des Forces canadiennes ont été ramenés au Canada dans le cadre du remplacement des soldats en poste au Kosovo. Afin d'assurer la rentrée de ces militaires, les FC ont fait appel à des aéronefs civils pour compléter leurs ressources d'aérotransport.
Le vol du 15 décembre 1999 était au nombre d'une série de vols confiés à des aéronefs civils affrétés en vue de ramener quelque 250 membres des FC à partir de Skopje, dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine. La rentrée au Canada de cet appareil a été retardée de 56 heures à cause d'une série d'incidents malheureux, dont des problèmes mécaniques, la nécessité de trouver et de préparer un aéronef de remplacement, la nécessité de prodiguer à bord des soins d'urgence à un membre des FC durant le déplacement à Skopje, plusieurs jours d'intempéries à l'aéroport de Skopje et l'obligation de coordonner avec l'aéroport local l'heure d'arrivée sur le théâtre.
Durant cette période, les membres des FC ont d'abord été retenus à leurs camps de base pendant une nuit, puis on les a transférés au camp Maple Leaf, le cantonnement du contingent canadien à Skopje. Lorsque les retards se sont poursuivis, les membres des FC ont été installés à l'aéroport de Skopje, dans un abri chauffé de l'armée américaine destiné aux soldats de la KFOR en attente de vols retardés.
Conformément au plan de contingence de l'OTAN pour les soldats de la KFOR à l'aéroport, l'armée américaine a offert 250 lits de camp pour l'abri, ainsi que le petit déjeuner et des douches dans un établissement américain situé à proximité de l'aéroport. C'est l'Élément de commandement national des FC dans la région qui a pris ces dispositions. Les FC ont également fourni des téléphones cellulaires pour que les militaires touchés puissent rejoindre leurs proches, une cantine a été installée et certains soldats ont été ramenés au camp Maple Leaf afin de faire les nouvelles réservations de voyage rendues nécessaires par le report de leur départ en congé. À aucun moment nos soldats n'ont été abandonnés par le contingent canadien.
Nous regrettons vivement la suite fâcheuse et improbable d'événements qui a eu pour effet de retarder la rentrée au Canada de ces membres des FC. Nous remercions sincèrement les militaires visés et leurs familles pour leur grande patience.
Même si la rentrée tardive de certains membres des FC était inattendue, le plan de secours de l'OTAN, c'est-à-dire l'emploi des installations américaines à l'aéroport de Skopje, les a bien servis. Toutes les mesures raisonnables ont été prises - et continueront de l'être - pour que nos militaires, dont la collaboration au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde est inestimable, reçoivent l'appui qu'ils méritent.
Les affaires étrangères
Le niveau de la rémunération des agents du Service extérieur-Les négociations syndicales-La disparité entre les employés des niveauxinférieurs et supérieurs
(Réponse aux questions posées par l'honorableDouglas Roche et l'honorable A. Raynell Andreychukle 7 avril 2000)QUESTION:
Le gouvernement examinera-t-il cette question et fera-t-il une offre qui corresponde au marché afin que ces fonctionnaires hautement qualifiés et très dévoués qui travaillent au Canada et à l'étranger pour promouvoir les intérêts internationaux de notre pays soient rémunérés à leur juste valeur?
RÉPONSE:
Les agents du service extérieur sont représentés par l'Association professionnelle des agents du service extérieur. L'association, ainsi que l'employeur, soit le Conseil du Trésor, sont présentement engagés dans une ronde de négociations collectives avec possibilité de révision par une tierce partie. Il ne convient donc pas qu'un examen autre que celui qui est déjà en cours soit entrepris à l'heure actuelle.
QUESTION
... explication des raisons d'une telle disparité entre l'offre faite aux agents de première classe et de classe intermédiaire du ministère des Affaires étrangères et celle faite aux agents supérieurs du service extérieur?
RÉPONSE:
L'offre faite aux agents du service extérieur prévoit une augmentation comparable à celle des autres niveaux. Il n'existe aucune autre offre en suspens.
Israël-Le déploiement de mines antichar à neutrons-La possibilité de démarches faites par le premier ministre pendant sa visite
(Réponse à la question posée par l'honorableJohn Lynch-Staunton le 11 avril 2000)- L'article du Sunday Times de Londres soulève une question hypothétique; l'auteur, citant des sources militaires, dit que le gouvernement israélien considère l'implantation de petites mines terrestres nucléaires près des hauteurs du Golan.
- Comme il s'agit d'une question hypothétique, il n'y a pas eu de changements récents dans l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des gardiens de la paix canadiens présentement sur les hauteurs du Golan.
- Le gouvernement du Canada évaluera très attentivement tout nouvel élément qui pourrait affecter les gardiens de la paix canadiens dans la région.
- La Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, appelée communément la Convention d'Ottawa, ne couvre pas les mines antichar.
Le solliciteur général
Le rapport du vérificateur général sur les méthodes de la Gendarmerie royale du Canada lors du prélèvement d'empreintes génétiques
(Réponse à la question posée par l'honorablePierre Claude Nolin le 11 avril 2000)Les délais d'exécution des analyses de l'ADN ont été réduits de façon spectaculaire depuis la vérification du BVG de 1999. Cette année-là, le délai moyen des analyses préliminaires était de 82 jours; il est maintenant de 5 jours. Tous les cas de priorité 1, comme les meurtres où il n'y a pas de suspect, seront analysés par la GRC en moins de 30 jours d'ici le 30 septembre 2000, comparativement à la moyenne considérablement plus longue de 183 jours mentionnée dans le rapport du vérificateur général.
Le solliciteur général a rencontré le vérificateur général pour discuter de ces recommandations avant le dépôt du rapport. Le vérificateur général n'a pas examiné la banque nationale de données génétiques en temps que telle. Par contre, il a félicité le gouvernement d'avoir mis en oeuvre cette initiative importante.
La justice
La formule d'enregistrement des armes à feu-La nature des renseignements personnels requis
(Réponse aux questions posées par l'honorable Donald H. Oliver et l'honorable Gerald J. Comeau le 12 avril 2000)Les questions suivantes ne sont pas posées aux fins de l'enregistrement d'une arme à feu: au cours des deux dernières années, avez-vous divorcé, vous êtes-vous séparé ou avez-vous mis fin à une rupture significative; avez-vous subi un échec scolaire important; avez-vous perdu votre emploi; avez-vous fait faillite? Toutefois, ces questions sont posées aux personnes qui présentent une demande de permis de possession et d'acquisition d'armes à feu.
À la suite de consultations tenues auprès du commissaire à la protection de la vie privée sur la nature des questions posées aux demandeurs d'un permis de possession et d'acquisition, le commissaire à la protection de la vie privée a conclu que le gouvernement détenait le pouvoir légal et les documents de recherche nécessaires pour justifier ce genre de questions et la période qu'elles visent.
Un rapport du ministère de la Justice de 1995, intitulé: «Le contrôle des armes à feu et la violence familiale», indiquait plusieurs facteurs présents dans bon nombre de cas d'homicide familial. Ces facteurs de risque ont alors été intégrés sous forme de questions à la formule de demande de permis d'arme à feu en vue d'améliorer la sélection des demandeurs. Les caractéristiques les plus fréquemment associées à la violence familiale sont le dossier criminel, les antécédents de violence familiale ou l'abus d'alcool ou de drogues. Toutefois, des problèmes tels qu'un événement stressant de la vie survenu récemment, des dettes importantes, une faillite, la perte d'un emploi et une séparation ou un divorce jouent aussi un rôle important. Étant donné ces résultats, et à la suite d'un examen par les partenaires du Centre canadien des armes à feu, il a été décidé que les questions seraient intégrées à la demande de permis d'acquisition et de possession d'armes à feu, afin de traiter de ces éléments. L'objectif principal du permis d'armes à feu est d'évaluer l'admissibilité du demandeur du point de vue de la sécurité publique.
Ces questions sont semblables à celles posées sur la demande d'Autorisation d'acquisition d'armes à feu (AAAF). Avec l'entrée en vigueur de la Loi sur les armes à feu, et en raison des résultats d'études menées récemment, les formules de demandes ont été examinées et des modifications ont été apportées, afin que les questions soient plus pertinentes.
Chaque personne, lorsqu'elle présente une demande de permis de possession et d'acquisition, doit remplir la formule appropriée, qui permet au contrôleur des armes à feu de la province de résidence d'effectuer des vérifications. L'information fournie par le demandeur peut être validée en vérifiant le casier judiciaire, en consultant la base de données appelée Personnes d'intérêt relatif aux armes à feu (PIAF), en communiquant avec les deux personnes indiquées comme personnes-ressources par le demandeur et, au besoin, en menant une enquête auprès de la collectivité. La plupart du temps, les renseignements fournis sur la formule de demande, combinés au discernement et aux efforts du contrôleur des armes à feu, sont suffisants pour cibler les personnes qui pourraient être susceptibles d'utiliser des armes à feu à mauvais escient. L'augmentation de la sélection des demandeurs de permis de possession et d'acquisition est essentielle, car elle donne suite à des études menées relativement à des tragédies antérieures, qui ont montré que certaines personnes présentent des dangers pour leur propre sécurité ou celle des autres. Le but est d'empêcher une personne d'acheter une arme à feu si elle se trouve dans une situation instable ou potentiellement dangereuse. Nous estimons que les questions figurant sur la demande de permis de possession et d'acquisition sont raisonnables et justifiables lorsqu'on tient compte des nombreux avantages qu'elles comportent pour la sécurité publique de la société canadienne.
La Loi sur les armes à feu est entrée en vigueur le 1er décembre 1998 et, bien que le programme soit toujours à l'étape de la mise en oeuvre, la sécurité du public s'en trouve déjà améliorée. Au 31 mars 2000, à l'échelle du Canada, 1 522 permis d'armes à feu ont été refusés ou révoqués. Ce chiffre représente quatorze fois plus de révocations visant des personnes potentiellement dangereuses que le nombre total de révocations effectuées au cours des cinq dernières années.
La défense nationale
La possibilité de suspendre le programme de vaccination contre la fièvre charbonneuse
(Réponse à la question posée par l'honorable Michael A. Meighen le 13 avril 2000)Le niveau de risque actuel dans le golfe Persique ne justifie pas la vaccination des membres des FC. Par conséquent, nous n'avons pas, à l'heure actuelle, l'intention de vacciner les membres d'équipage du NCSM Calgary contre la fièvre charbonneuse. Le NCSM Calgary transportera cependant le vaccin américain contre la fièvre charbonneuse, au cas où l'évaluation de la menace évoluerait et qu'il serait nécessaire de procéder à la vaccination des membres des FC. Le vaccin constitue, pour les membres des FC, la meilleure protection contre la fièvre charbonneuse, un agent biologique mortel dans presque tous les cas. Puisqu'il existe toujours une menace résiduelle, les FC ont pris des dispositions supplémentaires, en dotant le NCSM Calgary d'un biodétecteur qui fournira une alerte avancée dans le cas peu probable d'une attaque biologique. Les membres d'équipage auront ainsi davantage de temps pour prendre des mesures de protection.
Par ailleurs, tous les membres d'équipage auront un équipement de protection individuelle dernier cri, soit un masque, une combinaison, des gants et des bottes. Le personnel sera également doté de la capacité de procéder à la décontamination nécessaire à la survie afin de minimiser davantage tout risque pour le personnel. De plus, les navires des FC ont la capacité de créer ce qu'on appelle une «citadelle», à l'intérieur de laquelle le gros du navire est bouclé hermétiquement contre les substances toxiques. Tout contaminant dans l'air extérieur est filtré, tandis que la pression de l'air à l'intérieur de la citadelle est maintenue à un niveau supérieur à la pression atmosphérique afin que l'air soit évacué du navire, plutôt que d'être aspiré à l'intérieur, en cas de fuite. En outre, le personnel des unités médicales des FC a reçu l'instruction nécessaire en vue d'intervenir médicalement, au besoin, dans le cadre d'opérations nucléaires, biologiques ou chimiques.
Le vaccin produit par la société Bioport n'a pas été proscrit aux États-Unis, et la société n'a pas été fermée.
L'agriculture et l'agroalimentaire
Le problème des inondations au Manitoba et en Saskatchewan-La possibilité d'une aide
(Réponse à la question posée par l'honorable Terry Stratton le 13 avril 2000)Le but premier des Accords d'aide financière en cas de catastrophe (AAFCC) est de fournir une aide financière de base aux particuliers, aux petites entreprises et aux exploitations agricoles et de contribuer à la remise en état des infrastructures publiques. Les dégâts assurables ou couverts par d'autres programmes gouvernementaux sont exclus.
Les dépenses engagées par la province du Manitoba à la suite des inondations des terres agricoles en 1999 qui sont admissibles au titre de l'AAFCC totaliseront environ 16,4 millions $. La part fédérale s'élèverait à environ 12,75 millions $. Les dépenses admissibles comprennent les propriétés privées et la réparation des routes, des ouvrages de drainage et d'autres infrastructures.
Les pertes agricoles telles les coûts de destruction des mauvaises herbes, la perte des engrais épandus et le remplacement du fourrage sont couvertes par le programme d'assurance-récolte. Par conséquent, elles ne sont pas admissibles selon les lignes directrices de l'AAFCC.
Question de privilège
Avis
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, avant de passer aux questions inscrites à l'ordre du jour, je vais maintenant accorder la parole au sénateur Tkachuk.L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, conformément à l'article 43 du Règlement, je demande la permission de donner verbalement avis d'une question de privilège que j'ai remise par écrit au greffier au Bureau il y a peu de temps.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée de suspendre l'application de l'article 43 du Règlement et d'autoriser un avis verbal plutôt qu'un avis écrit?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, le rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur l'imposition des gains en capital a été présenté aujourd'hui par son président, le sénateur Kolber. On trouve dans le National Post de ce matin un article au sujet de ce rapport, ce qui a effectivement forcé le sénateur Kolber à présenter ce dernier aujourd'hui plutôt qu'au moment dont nous avions convenu. De toute évidence, quelqu'un a remis ce rapport au journal.
(1430)
Il est déjà arrivé, honorables sénateurs, que des rapports de comités aient été communiqués à des gens et à des membres des médias d'information à l'extérieur de la Chambre. Je trouve que c'est insultant pour nous tous.
Aussi aimerais-je que cette question soit renvoyée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Je veux savoir qui a divulgué ce rapport. Je veux que des mesures soient prises. Peut-être, honorables sénateurs, le personnel - ou quelle que soit la personne à l'origine de cette indiscrétion - se conformera-t-il aux règles de cet endroit.
Je demande l'avis de Votre Honneur sur cette question.
Son Honneur le Président pro tempore: Le sénateur Tkachuk propose-t-il que la question soit renvoyée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure?
Le sénateur Tkachuk: Oui, Votre Honneur.
L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, je crois que la procédure suivie actuellement au Sénat exige que le Président détermine s'il s'agit à première vue d'une question de privilège. Par conséquent, la preuve de l'atteinte présumée aux privilèges doit être fournie au Sénat et au Président afin d'aider le Président à déterminer s'il s'agit d'une atteinte aux privilèges.
J'ai devant moi un article paru aujourd'hui dans le National Post sous le titre «Le Sénat préconise une réduction de l'impôt sur les gains en capital». L'article cite abondamment le rapport qui a été déposé aujourd'hui par le sénateur Kolber, qui est le président du Comité des banques et du commerce. L'article se termine par cette phrase:
Le rapport devrait être rendu public au cours des prochaines semaines.
Encore une fois, honorables sénateurs, l'auteur de cet article, Alan Toulin, cite abondamment le rapport et admet que ce dernier n'a pas encore été rendu public par le Sénat. En vertu du Règlement, il y a clairement atteinte aux privilèges. Je renvoie le Sénat à Beauchesne, sixième édition, paragraphe 877(1), qui dit:
Rien de ce qui s'est déroulé en comité ne doit être divulgué avant que le comité n'ait fait rapport à la Chambre. S'inspirant de ce principe, la Chambre des communes britannique a adopté la règle suivante le 21 avril 1937: «Les témoignages entendus par un comité spécial de la Chambre et les documents soumis au comité, mais dont il n'a pas été fait rapport à la Chambre, ne doivent pas être divulgués par un membre du comité ni par aucune autre personne.» Constitue une atteinte au privilège le fait de publier les délibérations d'un comité tenues à huis clos ou des rapports de comités avant qu'ils n'aient été mis à la disposition des députés.
Ainsi, honorables sénateurs, je crois qu'une atteinte au privilège est clairement démontrée dans le cas présent. Dans notre processus actuel, il est courant, si le Président constate que la question de privilège est fondée à première vue, que la question soit renvoyée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure afin de déterminer si l'atteinte au privilège peut en fait être établie et rapportée au Sénat.
J'ai devant moi le quatrième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, qui recommande un autre processus pour déterminer cela. Toutefois, le Sénat n'a pas encore examiné ce rapport.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je suis heureux que le président du Comité du Règlement ait parlé du quatrième rapport de ce comité et du processus qu'il recommande pour traiter la divulgation interdite de rapports de comités confidentiels et autres. Il ne s'agit pas vraiment d'un autre processus pour traiter les questions de privilège. Il me semble que ce qui est proposé - et mon collègue peut donner des détails s'il le souhaite, et j'espère qu'il le fera -, c'est un processus supplémentaire au cours duquel le comité lui-même devrait entreprendre une enquête sur les circonstances qui ont entouré la présumée fuite, les moyens, la nature et la portée, et le reste. Dans le cadre de l'enquête, il est probable que le personnel ou les membres du comité pourraient être interrogés.
Si je comprends bien les recommandations du comité, la question de privilège pourrait encore être examinée par le Comité du Règlement tandis que le Comité des banques mènerait sa propre enquête pour déterminer qui est responsable de la fuite.
Son Honneur le Président pro tempore: Y a-t-il d'autres honorables sénateurs qui aimeraient prendre la parole pour dire s'ils estiment qu'il y a, à première vue, question de privilège?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, puis-je répondre à la question posée par l'honorable sénateur Murray?
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Votre Honneur, j'invoque le Règlement. Ce débat est tout à fait antiréglementaire. Le sénateur Tkachuk a été autorisé à donner verbalement avis d'une question de privilège, mais le fait d'autoriser le dépôt de la question de privilège n'autorise pas à amorcer un débat. En vertu du Règlement, le débat sur la question de privilège doit figurer à la fin de l'ordre du jour. Nous sommes en train de perturber l'ordre du jour régulier pour examiner une question qui est tout à fait irrecevable.
Je sympathise avec le sénateur Tkachuk, mais nous ne pouvons débattre maintenant de la question qu'il a soulevée, à moins que le Sénat n'y consente. S'il y a consentement, ce sera aux dépens de sujets plus importants, comme les projets de loi d'initiative ministérielle.
J'espère que la question de privilège de l'honorable sénateur sera maintenue. Toutefois, il a seulement demandé l'autorisation d'en donner avis, ce qui ne débouche pas nécessairement sur la tenue d'un débat.
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Le sénateur Lynch-Staunton a attiré notre attention sur une importante règle de procédure, et j'estime que nous devrions nous y conformer. Aussi, maintenant que nous avons reçu avis de la question de privilège, je crois que nous devrions y revenir au moment opportun, c'est-à-dire à la fin de l'étude des questions inscrites à l'ordre du jour.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je désire faire le point sur les trois mesures ministérielles que nous allons maintenant examiner.La première, le projet de loi C-2, est inscrite au nom du sénateur Oliver. Je crois savoir que, avec l'accord du sénateur Oliver, le sénateur Fraser et peut-être aussi le sénateur Wilson pourraient prendre la parole. Le leader adjoint du gouvernement et notre parti souhaitons, et j'en discute actuellement avec le chef adjoint de l'opposition, que ce projet de loi fasse l'objet d'un vote au plus tard à la fin de la semaine prochaine. Nous aurons ainsi le temps d'examiner des questions importantes que des sénateurs désirent soulever. En toute équité, nous devions faire savoir à tous les honorables sénateurs que c'est là notre objectif.
J'ai lu dans le Ottawa Citizen que le sénateur Nolin aimerait proposer un amendement au projet de loi. Il y a peut-être d'autres sénateurs qui veulent proposer des amendements. Si nous ne tirons pas parti du temps dont nous disposons, nous serons pris de court, car l'échéance approche.
Je sais qu'une dizaine de sénateurs veulent prendre la parole au sujet du projet de loi C-20, qui est une importante mesure législative. Je suis aussi en discussion avec le chef adjoint de l'opposition à propos de ce projet de loi. Notre objectif est qu'il soit renvoyé au comité - c'est-à-dire que l'étape de la seconde lecture soit terminée - à la fin de la semaine prochaine également.
Comme je le disais, à ma connaissance, au moins dix sénateurs veulent prendre la parole au sujet de ce projet de loi, et une dizaine sont déjà intervenus. Je sais aussi que, à ce jour, au moins 30 sénateurs ont pris part au débat, notamment en posant des questions.
Le dernier point est le projet de loi C-23. Je crois que le sénateur Robertson a l'intention d'en parler aujourd'hui. Nous aimerions en avoir terminé la deuxième lecture, si possible, demain.
(1440)
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement nous a fait part de la manière dont il aimerait voir les choses se dérouler. Je ferai toutefois une petite mise en garde: il vaut mieux parler en historien qu'en prophète en cette enceinte.
Nous savons que ces trois mesures législatives d'initiative ministérielle nous attendent. Les événements se dérouleront comme il se doit, mais nous ne prenons aucun engagement quand à une date exacte. Les choses vont bon train en ce qui concerne ces trois projets de loi.
Il était prévu que notre porte-parole commente le projet de loi C-2 aujourd'hui, mais il a un rendez-vous. Les sénateurs qui veulent prendre la parole avant lui peuvent le faire. Nous allons toutefois traiter des deux autres projets de loi aujourd'hui.
Projet de loi sur la Loi électorale du Canada
Troisième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Moore, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois.
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, avant que nous ne commencions le débat sur le projet de loi C-2, j'aimerais signaler que j'ai reçu à ce sujet une lettre du ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Une question est mise en délibération, et l'honorable sénateur prend la parole pour dire: «avant que nous ne commencions le débat sur le projet de loi C-2...». Comment un sénateur peut-il interrompre le débat pour parler d'autre chose?
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, au lieu de dire: «avant que nous ne commencions le débat», madame le sénateur Milne pourrait simplement profiter du débat pour signaler cette importante information. Je crois comprendre que le sénateur Fraser souhaite aussi prendre la parole aujourd'hui.
Le sénateur Milne: Je prends la parole à propos du projet de loi, honorables sénateurs. Mon intervention concerne tout à fait le débat sur le projet de loi, car des préoccupations ont été soulevées en comité au sujet de l'article 18.1, qui permet au directeur général des élections de mener une étude sur le vote électronique. J'ai reçu une lettre ce matin du ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes concernant cette disposition. J'aimerais la lire aux fins du compte rendu, si vous me le permettez.
L'honorable Lorna Milne, sénateur
Présidente
Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
[...]
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 30 mars 2000, à propos du projet de loi C-2 (la nouvelle Loi électorale du Canada proposée). J'aimerais répondre à une question qui a été soulevée par les membres du comité lors de ma comparution.Madame,
Comme vous le savez, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a tenu un vote en vue de l'adoption de l'article 18.1 qui permet au directeur général des élections d'effectuer des études sur le scrutin électronique et, avec l'approbation préalable du comité pertinent de la Chambre, de faire l'essai d'un processus de vote électronique qui pourrait être utilisé dans une élection générale ou partielle à venir. J'aimerais souligner de nouveau que l'article 18.1 ne permet pas l'adoption permanente du vote électronique à l'échelle nationale. Pour ce faire, la Chambre des communes et le Sénat devraient approuver de nouveaux amendements législatifs.
Les membres du comité sénatorial ont néanmoins exprimé l'opinion que le directeur général des élections devrait obtenir l'approbation préalable des comités de la Chambre et du Sénat qui se penchent normalement sur les questions électorales avant de mettre un processus de vote électronique à l'essai au cours d'une élection officielle.
J'ai noté la proposition qui a été faite au comité et je suis tout à fait disposé à offrir de modifier l'article 18.1 dès la prochaine révision de la Loi électorale du Canada pour prévoir l'obligation pour le directeur général des élections d'obtenir l'approbation des comités des deux Chambres avant de mettre un processus de vote électronique à l'essai. Cette proposition tient compte de l'importance de pouvoir compter sur une version améliorée de la Loi électorale du Canada d'ici la prochaine élection, ainsi que la nécessité de donner suffisamment de temps au directeur général des élections pour lui permettre de faire les préparatifs nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet de loi.
Il va sans dire que cet amendement ne serait pas nécessaire si le directeur général des élections avait déjà réalisé les essais sur le processus de vote électronique avant que la Loi électorale du Canada ne soit révisée. Il convient de noter toutefois qu'il n'y a rien dans le projet de loi C-2 qui empêche le comité sénatorial d'inviter le directeur général des élections à comparaître devant lui pour présenter sa proposition à l'égard d'un système de vote électronique.
J'espère que ces renseignements seront utiles à votre comité.
Je vous prie d'agréer, madame, l'assurance de ma considération distinguée.
L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je suis reconnaissante au sénateur Oliver de m'avoir permis de prendre maintenant la parole. Je serai brève. Je voudrais simplement prendre quelques instants pour expliquer pourquoi je voterai en faveur du projet de loi, sans modification, même si, au cours des séances du comité, j'ai exprimé de sérieuses préoccupations relativement à une de ses parties, préoccupations dont la presse a fait état.L'honorable Don Boudria
Ce projet de loi concerne, de façon générale, la mécanique électorale, et je m'en remets à ceux qui ont plus d'expérience dans ce domaine pour une analyse de cette partie du projet de loi. À ma connaissance, elle me semble raisonnable et bien conçue.
Le projet de loi comporte toutefois deux parties où j'ai une certaine expérience. La première a trait aux sondages et comprend deux volets. Elle interdit la publication de sondages le jour du scrutin, ce qui, à mon avis, est non seulement justifiable, mais souhaitable. Elle énonce aussi, toutefois, des critères détaillés pour la publication de la méthodologie des sondages, qui s'appliqueraient durant toute la campagne électorale.
[Français]
C'est cette dernière règle qui me préoccupe. Il me semble que le projet de loi va plus loin que nécessaire, voire trop loin. Dans une démocratie, il faut toujours agir avec énormément de prudence et de réticence quand il s'agit de limiter la liberté d'expression. Je comprends le but de la législation, qui est de protéger l'électorat contre des fausses informations qui ne sont pas susceptibles d'être corrigées par le processus normal du débat électoral. Il me semble, cependant, qu'on pourrait atteindre ce but plus que légitime par des moyens moins draconiens, par exemple, par des règles qui ne s'appliqueraient que vers la fin de la campagne. J'ai la ferme intention de discuter de ce sujet dans un proche avenir.
[Traduction]
Par ailleurs, cependant, le projet de loi renferme une autre partie que je considère comme importante au point de devoir être adoptée et mise en oeuvre sans tarder, c'est-à-dire sans renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes, où il sera soumis sans doute à un long débat, où il pourrait même être abandonné. Il s'agit des nouvelles dispositions régissant les dépenses des tiers, notamment la publicité par des tiers qui est régie par la partie 17 du projet de loi. Certains Canadiens estiment qu'il ne convient pas, pour une question de principe, de limiter les dépenses électorales des tiers. Je ne fais pas partie de ces Canadiens-là.
Dans ma province, le Québec, il existe des restrictions aux dépenses électorales par des tiers depuis plus de 20 ans maintenant. Lorsque j'étais rédactrice en chef, j'ai dû traiter de ces restrictions, lesquelles nous ont fort bien servis. Les tribunaux ont corrigé certaines faiblesses, qui n'existent pas, à mon avis, dans le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis. Cependant, ces restrictions ont fait en sorte qu'il a été impossible aux tiers d'exercer une influence indue sur les électeurs - en clair, acheter une élection ou un référendum. Elles comptent parmi les raisons pour lesquelles le Québec a pu tenir des votes cruciaux sur la destinée du pays dans un climat où toutes les parties étaient disposées à faire confiance au processus démocratique.
En vertu des règles énoncées dans le projet de loi, chacun continue de jouir de la liberté d'expression, mais aucun tiers, aucun groupe d'intérêts particulier ne pourra user de cette liberté pour submerger des voix rivales. Le processus démocratique sera encouragé, non limité.
Honorables sénateurs, comparons cela avec la situation aux États-Unis. Pour la campagne électorale fédérale américaine de cette année, on calcule que les dons en argent liquide, ce qu'on pourrait appeler des dépenses par des tiers, s'élèveront à 500 millions de dollars américains. Cela n'englobe même pas les dons en argent liquide qui sont versés aux comités de parti dans les États, ni l'argent dépensé par des tiers pour des publicités électorales consacrées aux questions en jeu plutôt que destinées à exprimer appui ou opposition aux candidats.
Nous connaissons tous l'effet corrosif que le besoin de trouver ces énormes sommes d'argent a exercé sur la politique électorale américaine. Honorables sénateurs, ce n'est sûrement pas un système que nous voudrions voir au Canada.
(1450)
Or, en écoutant les témoins au cours des audiences du comité consacrées au projet de loi, je pouvais constater très clairement les débuts d'une telle tendance. Il nous faut y mettre fin dès maintenant. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, j'appuierai avec enthousiasme le projet de loi C-2.
(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations
Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pépin, appuyée par l'honorable sénateur Maheu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.
L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer, comme le sénateur Pépin l'a fait hier, le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada, adopté à l'autre endroit le 11 avril 2000.
Bien que ce projet de loi d'ensemble soit d'ordre administratif à certains égards, il a pour objet de veiller à ce que les couples de même sexe, non mariés ou en union de fait, aient les mêmes obligations et avantages financiers que les couples de sexe opposé qui sont en union de fait. Le projet de loi vise à faire en sorte que le gouvernement fédéral réserve un traitement égal aux couples de sexe opposé et aux couples de même sexe. Afin d'appliquer le principe du traitement égal de toutes les unions de fait, il faudra apporter des modifications à 68 lois fédérales qui touchent 20 ministères et organismes fédéraux.
Honorables sénateurs, comme il a été mentionné précédemment, par traitement égal, on entend que le projet de loi offrira aux couples de même sexe des avantages dont ils ne bénéficiaient pas auparavant, tout en leur imposant de nouvelles obligations. En ce qui concerne les avantages, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, par exemple, avec le projet de loi du gouvernement, une personne ayant un conjoint de même sexe peut déclarer ce partenaire ou ses enfants comme personnes à charge dans sa déclaration de revenus et demander ainsi une déduction fiscale pour frais de garde et pour frais médicaux. Dans un autre exemple, en vertu du Régime de pensions du Canada, le partenaire survivant d'un couple de même sexe serait admissible aux prestations de survivant, selon les cotisations que son conjoint aura faites au régime.
Pour ce qui est des nouvelles obligations, en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, par exemple, les personnes mariées ne sont pas autorisées à transférer la propriété de leur maison ou de leurs biens à leur conjoint avant de déclarer faillite. Les modifications imposeraient les mêmes obligations et les mêmes restrictions aux couples de même sexe et aux couples de sexe opposé.
En vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, de la Loi sur les banques, de la Loi électorale du Canada et de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, les modifications imposeraient aux couples de sexe opposé et aux couples de même sexe qui vivent en union de fait les mêmes restrictions, interdictions et obligations que celles qui visent les couples mariés. Par conséquent, il me semble que le projet de loi C-23 assurera l'équité des programmes fédéraux offerts à tous les couples qui vivent en union de fait.
Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, le Yukon, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest accordent des prestations de survivant aux partenaires de même sexe de leurs fonctionnaires. En outre, la Colombie-Britannique, le Québec et l'Ontario ont commencé à élargir leurs lois pour y englober les couples de même sexe. Beaucoup d'entreprises privées, dont Bell Canada, Sears, IBM, la Banque TD, la Banque de Montréal, Air Canada, ainsi que 30 municipalités et 35 universités de tout le Canada, offrent des avantages aux partenaires de même sexe de leurs employés.
Compte tenu de ce qui se produit déjà dans les secteurs privé et public, je ne crois pas que le projet de loi C-23 innove ou trace une nouvelle orientation, comme certains l'ont prétendu. Je suis d'avis que les dispositions du projet de loi C-23 représentent simplement la prochaine étape à franchir sur la voie de l'égalité.
Selon le sondage Angus Reid de 1998, auquel un témoin a fait allusion devant le comité de l'autre endroit, deux tiers des répondants ont exprimé l'opinion que les couples homosexuels devraient avoir les mêmes droits et les mêmes obligations que les couples hétérosexuels. Ainsi, honorables sénateurs, le projet de loi C-23 permet simplement d'entrer dans l'ère moderne.
La meilleure façon de décrire ce projet de loi est peut-être de dire qu'il est d'ordre administratif ou technique. Ce projet de loi d'ordre administratif permettra simplement d'aligner les lois fédérales sur les conclusions des tribunaux, notamment ceux des droits de la personne, en ce qui a trait au traitement égal des couples homosexuels. Le message de ces tribunaux est clair. Les conjoints de fait homosexuels doivent avoir le même accès que les conjoints de fait hétérosexuels aux programmes d'avantages sociaux auxquels ils ont cotisé.
Honorables sénateurs, le Canada se targe d'être un chef de file. La discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est inacceptable. Heureusement, le projet de loi C-23 ne porte aucun jugement en faveur ou contre l'orientation sexuelle d'une personne; il ne fait que favoriser l'égalité. Le projet de loi C-23 ne traite pas du mariage, pas plus qu'il ne menace l'institution du mariage. Le projet de loi maintient une nette distinction entre les relations des couples mariés et celles des conjoints de fait. Il ne modifie pas la définition du mariage, qui y est incluse en vertu d'un amendement. La disposition sur la règle d'interprétation prescrit ce qui suit:
Il demeure entendu que les modifications que la présente loi apporte ne changent pas le sens du terme mariage, soit l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne.
Honorables sénateurs, pour une raison ou pour une autre, le projet de loi C-23 a fait l'objet d'un débat sur la relation entre le Parlement, les tribunaux et le pouvoir exécutif. On a soutenu qu'il donnait suite aux décisions de juges, qui ne sont pas élus, et de présidents de tribunaux qui n'ont aucun compte à rendre directement à la population, et que le projet de loi C-23 est la conséquence de l'activisme politique des tribunaux, en particulier du jugement de la Cour suprême dans l'affaire M c. H. Même si des adversaires du gouvernement fédéral ont fait valoir l'argument selon lequel ce gouvernement se rend coupable de déléguer le pouvoir de légiférer aux tribunaux, dans ce dossier particulier, je pense que la responsabilité incombe au Parlement.
La décision empêche le gouvernement de limiter les avantages et obligations en exerçant une discrimination contre les unions de fait entre conjoints de même sexe. On viole à la fois la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne en refusant un traitement égal en droit aux couples de même sexe. Je sais que certains détracteurs de ce projet de loi croient qu'il nous entraîne sur une pente glissante dont nous ignorons l'issue, mais je ne suis pas de cet avis. Le projet de loi ne porte pas sur des droits spéciaux, des règles spéciales ou des groupes d'intérêts spéciaux. Il ne vise certainement pas à légiférer la moralité.
Honorables sénateurs, il me tarde d'étudier le projet de loi en détail au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Entre-temps, je tiens à soulever trois points qui m'inquiètent.
Le premier est la facilité avec laquelle on pourrait abuser du projet de loi C-23. Par exemple, il serait facile pour deux personnes qui veulent simplement partager un appartement de se déclarer conjoints de fait pour profiter des avantages. Comment l'Agence des douanes et du revenu du Canada va-t-elle régler ces cas d'abus possible et de quels mécanismes de contrôle dispose-t-elle pour prévenir ces abus?
Mon deuxième point porte sur la question complexe des autres relations de dépendance, que le projet de loi ne traite pas en détail et dont nous avons discuté ici hier après-midi. Bien des Canadiens se sont dits inquiets du fait que le projet de loi ne prévoit pas d'accorder les avantages et les obligations à d'autres types de relations familiales. Le postulat, c'est que nous voulons que nos lois encouragent les membres des familles à prendre soin les uns des autres; en outre, bon nombre de Canadiens habitent avec leurs parents âgés, leurs frères, leurs soeurs ou d'autres membres de leur famille. Autrement dit, ne conviendrait-il pas de traiter les relations familiales de la même façon que le projet de loi C-23 propose de traiter les unions de fait?
Certains parlementaires ont décidé que le projet de loi C-23 n'est pas une bonne mesure législative parce qu'il ne tient pas compte de tous les Canadiens et des nombreux genres de relations qui existent. Je suppose qu'on demandera aux intervenants témoignant devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de se prononcer sur ce qui semble une injustice intrinsèque, à cause de la portée du projet de loi. Je suis aussi rassurée de voir que la ministre de la Justice a décidé de renvoyer cette question à un comité parlementaire.
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Je crois savoir que le ministre consulte les présidents des comités des ressources humaines et des finances aux Communes pour trouver une façon d'aborder la question plus large des relations de dépendance. J'ai hâte que madame la ministre de la Justice, qui comparaîtra devant le comité sénatorial, nous dise où elle en est.
Cette question plus générale des relations de dépendance est épineuse. Les conséquences, pour les individus comme pour l'ensemble de la société canadienne, restent nébuleuses. On a beaucoup réfléchi à toute une série de questions. Le problème central est le suivant: il est certain que des avantages sociaux découlant d'une relation de dépendance seraient les bienvenus, mais faudrait-il imposer des obligations légales à l'égard des parents avec qui une personne peut habiter? D'autres questions réclament aussi notre attention. Comment définir les termes dépendance et relation? Quels types de relations seraient visés? Les relations seraient-elles simplement déclarées par les personnes en cause ou le gouvernement donnerait-il une sorte de permis ou exigerait-il un genre de preuve? Combien de personnes pourrait-il y avoir dans une relation de dépendance, deux personnes qui habitent ensemble ou un nombre illimité de personnes, pourvu qu'elles vivent sous le même toit? Faudrait-il prévoir un registre public de ces relations pour savoir à quoi nous en tenir? Dans l'affirmative, comment faudrait-il assurer le respect des renseignements personnels? Comment mènerait-on les négociations avec les provinces?
Honorables sénateurs, à mon avis, ce sont là des questions très ardues que pose la reconnaissance légale d'un nouveau type de relation, mais ce sont loin d'être les seules qu'il faudra longuement étudier avant que je ne m'estime prête à prendre position dans ce débat.
Honorables sénateurs, il me semble assez clair que nous devons appuyer ce projet de loi, par lequel le gouvernement fédéral accorde un traitement égal à tous les conjoints de fait. Nous pouvons l'appuyer dès maintenant, avant de préciser les moindres détails concernant les autres relations de dépendance.
Mon troisième sujet de préoccupation concerne l'élaboration de la politique sociale en général. La ministre de la Justice, prenant la parole à l'autre endroit à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-23, a déclaré:
Honorables sénateurs, je suis parfaitement d'accord. La société canadienne a subi de profonds changements, ces dernières décennies, au point que les fondements de la politique sociale et des systèmes de soutien de la famille sont dépassés.Ce n'est pas au tribunaux de décider de questions importantes relatives à la politique sociale. Si le Parlement ne se prononce pas en la matière, les tribunaux vont continuer à rendre des jugements à la petite semaine, interprétant des points de droit d'une portée limitée concernant l'affaire dont ils sont saisis. Un tel état de choses est garant de confusion et d'actions en justice coûteuses et à répétition. Plus inquiétant encore est le risque que cela nous empêche de nous doter d'une politique sociale cohérente.
Dans un éditorial récent, le Ottawa Citizen expose la situation. Il fait valoir que, autrefois, seul un couple marié vivait sous le même toit. La femme n'avait pas d'emploi rémunérateur à l'extérieur du foyer. Comme la contraception n'était pas toujours accessible ni efficace, le mariage menait presque toujours à la procréation. L'éditorial se poursuit comme ceci:
Honorables sénateurs, le fait est que les temps changent rapidement. Les anciennes hypothèses régissant la politique publique, surtout dans le domaine des questions sociales, ne valent plus. C'est comme s'il y avait un vide entre l'ancienne façon de penser et les exigences de la société contemporaine. Ce vide est comblé par des cas de politique publique fondés sur des décisions judiciaires rendues une à une.[...] il est difficile d'exagérer en montrant à quel point le tableau a changé. Conformément au recensement de 1996, 15 p. 100 des couples vivent en union de fait. On compte nettement plus de 1 million de familles monoparentales. Et la contraception moderne, en particulier la pilule, a fait plus clairement de la procréation une question de choix pour les couples, ce qui a contribué à la chute du taux de natalité et à l'augmentation croissante du nombre de couples sans enfant. Puis, les femmes sont entrées sur le marché du travail à la faveur de la révolution économique. En 1996, les maris étaient les seuls soutiens de famille dans seulement16 p. 100 des mariages.
C'est comme si l'on avait perdu la maîtrise de l'élaboration des politiques sociales. On éponge toujours après coup. On ne semble pas voir venir les changements sociaux. On peut prévoir les changements technologiques, mais pas l'évolution de la structure sociale. Cette évolution est toujours là, mais lorsqu'on en prend conscience, elle est déjà très avancée et il y a beaucoup à faire. On ne fait que réagir à cet égard.
Voici un autre extrait de l'éditorial du Ottawa Citizen:
Le projet de loi C-23 en est peut-être seulement un exemple. Cela étant dit, honorables sénateurs, je félicite le gouvernement d'avoir pris activement des mesures pour supprimer la discrimination que nous avaient signalée les tribunaux. J'ai l'intention d'appuyer ce projet de loi d'ordre administratif et j'exhorte tous les sénateurs à en faire autant.Les hypothèses fondamentales sur lesquelles le gouvernement fonde ses systèmes d'aide à la famille ont tellement changé. Comment les gouvernements réagissent-ils? Certes pas en modifiant en profondeur ces systèmes. Au lieu de cela, de nouveaux segments de la société viennent simplement se greffer aux structures existantes au gré des circonstances politiques.
L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, à mon avis, le projet de loi C-23 est une mesure législative canadienne progressiste. Comme vous le savez, le projet de loi dont nous sommes saisis fait suite aux nombreuses décisions de la Cour suprême qui enjoignaient au gouvernement de résoudre les iniquités dans l'application des lois canadiennes et la reconnaissance des droits.
J'appuie ce projet de loi. Depuis des années, les couples hétérosexuels qui vivent en union de fait ont les mêmes avantages que les couples hétérosexuels mariés, et personne ne met en doute la légitimité de leur accorder le même traitement que celui dont bénéficient leurs homologues mariés. D'emblée, aucun homme ni aucune femme ne souhaite être homosexuel, en partie à cause du stigmate social qui est associé à cela, mais force est de reconnaître qu'il y a des gais et des lesbiennes. Le projet de loi à l'étude reconnaît cette situation et il reconnaît aux homosexuels des droits fondamentaux ainsi que les obligations que nous avons à leur endroit.
Je ne pense pas que ce projet de loi menace l'institution du mariage. Le mariage entre personnes hétérosexuelles existe pour de nombreuses raisons autres que la procréation. Ce projet de loi ne mine pas nécessairement les fondements de la famille non plus. Je pense à deux amies lesbiennes qui élèvent un enfant qu'elles ont eu depuis qu'elles forment un couple. Elles s'occupent de cette famille très bien et de manière très responsable.
Que nous réserve l'avenir? À mon avis, ce n'est qu'une question de temps avant que la définition du mariage qui est énoncée dans ce projet de loi ne soit contestée et qu'on ordonne au gouvernement de régler la question de l'équité au sein d'un mariage ou d'une union homosexuelle. Apparemment, les Canadiens ont encore besoin de temps pour réfléchir à cette question, mais ne craignez rien, elle finira par être soulevée.
Nous devons nous préparer soigneusement et de manière responsable à cette éventualité. Actuellement, c'est le projet de loi C-23 que nous examinons, et j'appuie sans réserve son adoption.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec
Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.
L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je me joins au débat sur le projet de loi C-20 non sans quelque appréhension. J'ai écouté et lu tout ce qui s'est dit ici. J'ai été impressionné, je dois l'admettre, par la profondeur des connaissances théoriques et pratiques manifestées non seulement dans les discours, mais également lors des séances de questions qui ont suivi.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais faire clairement état de mes compétences, ou plutôt de mon manque de compétences. Personne ne m'a jamais accusé d'être un constitutionnaliste. Je vais laisser cela au sénateur Beaudoin et à d'autres. Tout d'abord, je vous prierais de ne pas être déçu si je ne vous livre pas un traité constitutionnel.
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D'un autre côté, je suis sénateur depuis 1986. Je ne sais pas très bien ce que cela m'apporte. Sinon autre chose, peut-être un sens de l'histoire, un sens de l'appréciation des traditions et des pouvoirs de cet endroit. Je pense apporter à ce débat un sens de la politique, un sens que je dois à quelque 38 campagnes échelonnées sur 48 ans.
Quand je regarde ce projet de loi, sa genèse, son titre, la façon dont il a été rédigé et la nature du débat à l'autre endroit, je dois admettre - et je le pense vraiment - que ce projet de loi est une bonne politique. Cependant, et c'est le point que je vais essayer de développer aujourd'hui - c'est aussi une question qu'a soulevée le sénateur Kinsella au début de son intervention -, c'est peut-être une bonne politique, mais est-elle correcte? Revenons en arrière et essayons de déterminer l'origine de ce projet de loi.
Je suppose qu'il trouve son origine dans la débâcle qu'a été la réponse du gouvernement fédéral aux partisans du OUI lors de la campagne référendaire de 1995 au Québec. Nous nous souvenons tous des derniers jours de cette campagne, lorsque le premier ministre s'en est soudainement mêlé. Alors que les partisans du NON l'avaient emporté, mais seulement par une très faible marge, l'histoire dira que la responsabilité de cette victoire par une faible marge incombe au premier ministre, qui a dû être secouru par celui qui était alors le chef du Parti progressiste-conservateur du Canada et qui est aujourd'hui le chef du Parti libéral du Québec, l'honorable Jean Charest.
La réaction précipitée du gouvernement libéral aux résultats du référendum au Québec a consisté notamment à faire adopter à la Chambre une résolution reconnaissant au Québec le statut de société distincte et un projet de loi mal rédigé qui était censé modifier la procédure de modification de la Constitution en accordant au Québec, à la Colombie-Britannique, et implicitement à l'Alberta, un droit de veto sur toute future modification de la Constitution. Telle a été la réaction immédiate du gouvernement aux résultats du référendum de 1995. Il n'y a pas eu grand-chose d'autre à part ce projet de loi.
La ministre de la Justice a décidé de soumettre à la Cour suprême du Canada trois questions dans le cadre d'un renvoi. Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a signalé, tout étudiant en droit de première année aurait su la réponse à ces questions. C'est une solution à laquelle nous nous sommes opposés en tant que parti politique. Il incombe au gouvernement, au Parlement ainsi qu'aux sénateurs et aux députés de faire de leur mieux pour garder notre pays uni. On ne doit pas céder cette responsabilité à la Cour suprême du Canada.
Cependant, la Cour suprême a répondu et, en plus de donner des réponses à la question qu'on lui avait posée, la cour a jugé utile de trouver un juste milieu. Même si elle a statué que le Québec ne pouvait pas déclarer l'indépendance unilatéralement, elle a jugé que la sécession constituerait une véritable option à la suite d'un référendum basé sur une question claire ayant reçu l'appui d'une majorité claire.
La cour a également jugé que des négociations devaient avoir lieu après un tel vote et elle a essayé de définir la portée de ces négociations.
Honorables sénateurs, je voudrais maintenant parler de la réponse du gouvernement à cet avis de la Cour suprême, c'est-à-dire le projet de loi C-20.
Les deux partis politiques représentés au Sénat sont bien décidés à trouver ou à élaborer des politiques qui permettront de garder le Canada uni. Nous avons peut-être des divergences sur les moyens, mais en fin de compte, nous attachons beaucoup d'importance à l'unité nationale.
Entre 1984 et 1993, le Parti progressiste-conservateur a essayé à deux reprises de régler les questions d'unité nationale. Lorsqu'on agit dans ce que l'on croit être l'intérêt du Canada, parfois on réussit, parfois on échoue.
Comme les honorables sénateurs le savent, l'Accord du lac Meech était la réponse du Parti progressiste-conservateur aux questions constitutionnelles soulevées par le Québec. L'Entente de Charlottetown était une réponse globale à la nécessité d'un changement fondamental au Canada. Malgré l'appui du Parti libéral, il n'a pas survécu à un référendum pancanadien.
Ce que je veux dire, c'est que même si nos tentatives ont été infructueuses, nous avons essayé. Nous avons tenté d'offrir un renouveau constructif, qui avait l'appui de tous les partis politiques organisés à l'autre endroit, de tous les premiers ministres provinciaux et de tous les dirigeants autochtones. Malheureusement, la réponse du gouvernement au débat sur l'unité nationale ou la revitalisation de notre fédération est un projet de loi qui précise comment la sécession pourrait avoir lieu.
Selon le gouvernement, ce projet de loi est indispensable à la mise en application de la décision de la Cour suprême du Canada. Le sénateur Fraser a dit que la décision suffit, et je suis d'accord avec elle. Il n'était pas nécessaire d'adopter un projet de loi.
Je souligne de nouveau que, bien que rien dans la décision de la Cour suprême n'exige une intervention de la part du gouvernement, ce dernier a rédigé le projet de loi de façon à laisser entendre qu'il était obligé de le présenter. Le préambule compte huit paragraphes. La Cour suprême est mentionnée dans cinq d'entre eux. En fait, comme l'a souligné le sénateur Kinsella, on peut se procurer auprès du ministère du ministre Dion une version du projet de loi où chaque disposition et chaque paragraphe du préambule sont suivis des prétendus paragraphes pertinents du jugement de la Cour suprême. Ce projet de loi est censé avoir été exigé dans l'avis de la Cour suprême, qui oppose une partie du pays à l'autre, situation en apparence justifiée par cet avis de la cour. C'est de la grande politique, mais est-ce juste?
Pourquoi le gouvernement est-il intervenu? Le sénateur Boudreau nous aide à répondre à cette question. Le gouvernement est intervenu parce que le premier ministre Bouchard a refusé de s'engager à ne pas tenir un autre référendum pendant le présent mandat du gouvernement du Québec. Au lieu de s'asseoir avec les provinces et de discuter des principaux problèmes de la fédération, soit la santé, l'éducation, l'économie et le manque de productivité, et de tenir des discussions qui convaincraient le gouvernement du Québec et les Québécois que la tenue d'un référendum serait futile et qu'il n'y a donc pas lieu de recourir à cette mesure, que fait le gouvernement? Il présente un projet de loi visant à régir le déroulement d'un référendum qui aboutira à la séparation, c'est-à-dire à préciser comment le gouvernement fédéral réagira à un référendum. On a prétendu qu'il éclaircira la situation.
Qui pourrait être contre la clarté? De toute évidence, seuls les opposants au projet de loi. Heureusement, cependant, un leader politique fédéral a eu le courage de dire que ce n'est pas la façon de gouverner une fédération. Il n'appartient pas au gouvernement fédéral de démanteler le pays. Ces propos sont ceux du très honorable Joe Clark qui a su dire publiquement que ce projet de loi ne fait pas ce qu'il est censé faire. Il ne tient pas compte du véritable devoir du gouvernement central, c'est-à-dire le devoir de garder le pays uni. Il semble indiquer que le gouvernement agit alors qu'en réalité, il ne bouge pas.
Honorables sénateurs, le projet de loi ne renferme pas de question claire. Il ne donne même pas de lignes directrices quant à ce qui constituerait une question claire. La majorité claire n'est pas définie non plus. Où donc est la clarté? Le projet de loi donne plutôt un échéancier qui entrave le gouvernement, limite sa réaction et crée une situation dans laquelle une province sait désormais de combien de temps elle dispose et quelles sont les limites de la réponse du gouvernement fédéral, tant en ce qui concerne la question que la majorité requise.
Dans un article en date du 6 avril 2000 publié par l'Institut C.D. Howe au sujet de la clarté de la question et de la majorité claire, M. Claude Ryan déclare ceci:
Or les discussions complexes sur ce que doivent être une question et une majorité claires n'ont pas grand-chose à voir avec l'objet même du débat.
En effet, la Cour suprême s'est prononcée sur la réalisation de tout projet de souveraineté dans le respect de la Constitution du Canada. Il est cependant des questions plus importantes qu'il convient de poser - des questions fondamentalement politiques plutôt que juridiques. Pourquoi existe-t-il au Québec un mouvement souverainiste? Pourquoi ce mouvement a-t-il été aussi important au cours des 25 dernières années? Quelle est la meilleure stratégie à retenir pour contrecarrer le projet de souveraineté du Québec?
Examinons ce projet de loi de plus près, honorables sénateurs. Le Sénat s'y voit attribuer un rôle mineur; les autochtones, qui sont reconnus dans la Constitution, n'y avaient pas leur mot à dire dans la première version; les provinces n'y sont appelées qu'à jouer un rôle consultatif. Seule l'assemblée législative où la majorité est contrôlée par le cabinet du premier ministre s'y voit attribuer un rôle décisif.
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Après réflexion, peut-être devrait-on complimenter les sénateurs, car il est évident que le cabinet du premier ministre ne croit pas qu'il peut contrôler le Sénat. Souvenez-vous qu'il est arrivé, comme l'a si bien rappelé le sénateur Kinsella, que le Sénat aille à l'encontre de la volonté du Cabinet et rejette un projet de loi. Comme on l'a déjà dit, le Sénat n'est pas une institution aimée de tous les Canadiens. Pourquoi alors ne pas limiter son rôle? C'est de la bonne politique, mais je vous demande: est-ce acceptable? Bien sûr que non.
Honorables sénateurs, l'explication du sénateur Boudreau embrouille la signification de gouvernement responsable et le rôle constitutionnel du Sénat. Le sénateur Fraser a tenté d'aider en rédigeant à nouveau les définitions du terme «projet de loi». Comme vous le savez, il existe des projets de loi d'intérêt privé et d'intérêt public. D'après le sénateur Fraser, il y aura différentes catégories de projets de loi: des projets de loi très importants et très politiques sur lesquels le Sénat n'aura pas à se pencher et des projets de loi ordinaires que le Sénat étudiera.
Une fois que la Chambre de communes doit déterminer ce qu'est une question claire et une majorité nette, il n'y a aucune raison sur le plan juridique, constitutionnel ou autre pour que le Sénat n'assume pas un rôle égal à celui de la Chambre des communes. Il n'existe absolument aucune raison valable. C'est pourquoi je compte appuyer la motion du sénateur Lynch-Staunton, tendant à ce qu'on demande au comité d'amender le projet de loi C-20 pour prévoir pour le Sénat un rôle égal à celui de la Chambre des communes.
Je crois qu'à cette étape-ci, il est important d'aller au coeur du débat. Le débat ne porte pas sur la façon de réagir aux référendums passés, mais sur la façon de régler les questions qui préoccupent tous les participants au sein de la fédération et sur le renouvellement de celle-ci.
Dans un discours qu'il a prononcé au dîner annuel de remise des prix du Forum des politiques publiques, qui a eu lieu le 6 avril 2000, Raymond Garneau, président et directeur général de l'Industrielle-Alliance, Compagnie d'assurance sur la vie, ancien député du Québec à la Chambre des communes et ancien ministre des Finances du gouvernement du Québec, a signalé que le manque d'initiatives fédérales à cet égard constitue une grande préoccupation. Voici ce qu'il a dit:
Je n'aime pas dire cela, mais lorsque plus de 49 p. 100 de la population de la deuxième province en importance au Canada décide de voter pour la séparation et de renoncer à toute loyauté envers le Canada pour ne garder que l'amour du Québec, je pense qu'on a tort de croire qu'il suffira de «tourner la page et se tourner vers l'avenir». Je sais qu'un grand nombre de Canadiens ont hâte de tourner la page. Moi aussi, mais la stratégie consistant à ne rien faire n'aidera pas beaucoup à ramener l'amour et la loyauté des Québécois pour le Canada.Je suis préoccupé par le fait qu'on ne fait plus grand-chose à la base pour promouvoir le genre de Canada dont la plupart des Québécois seraient fiers de faire partie. Je crains fort que la stratégie qui consiste à ne rien faire et qui nous a conduits aux résultats catastrophiques du référendum de 1995 reste fermement en place. Elle était risquée en 1995 et elle le reste aujourd'hui.
J'ai moi aussi de nombreuses préoccupations quant au fait qu'avec le projet de loi C-20 comme seule réponse à la situation du Québec, le gouvernement est encore une fois à côté de la plaque. Je peux comprendre la préoccupation du gouvernement en ce qui a trait aux référendums. Dans notre histoire, chaque fois que des référendums sur la séparation ont été tenus dans la province de Québec, il y avait un gouvernement libéral à Ottawa. Je crois qu'avec le projet de loi C-20, le gouvernement joue à un jeu dangereux. Je vais encore citer M. Garneau, qui commente le projet de loi C-20:
On ne saurait attendre du gouvernement qu'il ait le bon sens de retirer ce projet de loi - qu'il revienne sur sa décision, comme il l'a fait dans le cas des subventions aux équipes de la LNH. Si le gouvernement retirait ce projet de loi, ou décidait de ne pas le proclamer, il ferait la preuve qu'il a compris l'histoire du Canada et les valeurs durables et la sagesse qui ont inspiré les pères de la Confédération lorsqu'ils ont rédigé l'ancien Acte de l'Amérique du Nord britannique, qu'on appelle maintenant la Loi constitutionnelle de 1867.Je soulève cette question pour jeter une lumière différente sur le projet de loi sur la clarté, actuellement à l'étude au Parlement. Je crois comprendre ce à quoi tend ce projet de loi, mais s'il y a une chose qu'il ne fera pas, c'est de nous aider à surmonter le profond dilemme auquel les Québécois sont confrontés, soit la rationalisation de leur amour et de leur loyauté pour le Québec, d'une part, et pour le Canada, d'autre part.
Dans un article que j'ai cité plus tôt, Claude Ryan souscrit à ce point de vue, mais il le place dans le contexte de nouvelles négociations auxquelles participerait le Québec. Il déclare:
Son Honneur le Président pro tempore: Je regrette d'interrompre l'honorable sénateur, mais les 15 minutes dont il disposait sont écoulées.Il faut reconnaître que les Québécois proposent trop souvent des changements généraux à la distribution des pouvoirs entre Ottawa et la province. En 1867, les pères de la Confédération ont réparti les pouvoirs de façon très éclairée et avec beaucoup de réalisme, et c'est pourquoi il n'est pas nécessaire de recommencer à nouveau en faisant table rase. Le Québec devrait s'y prendre de façon plus constructive.
Sénateur Atkins, demandez-vous la permission de poursuivre?
Le sénateur Atkins: Oui, s'il vous plaît.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, est-ce d'accord pour que l'honorable sénateur Atkins poursuive?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Atkins: Je crois que les gouvernements des 30 dernières années n'ont pas accordé suffisamment de crédit à la Constitution, telle qu'elle a été rédigée à l'origine. La Constitution ne prévoit pas de mécanisme de rupture du pays. Elle a obligé les politiciens, comme le sénateur Lynch-Staunton le faisait remarquer, à édifier et façonner notre pays par la négociation et le compromis, mais elle ne prévoyait aucune solution facile, comme la sécession.
Honorables sénateurs, ce projet de loi est peut-être politiquement bien inspiré, mais je vous pose encore une fois la question: fait-il ce qu'il faut? Il donne l'impression que le gouvernement prend des mesures pour renouveler la fédération, mais en réalité, ce dernier abdique sa responsabilité d'oeuvrer à un meilleur fonctionnement de la fédération. C'est là le rôle du gouvernement, non pas le rôle qu'il a assumé en adoptant une mesure législative conçue pour monter la majorité contre la minorité, ce qui, en réalité, ne résout rien si ce n'est une tentative de renforcer la popularité du gouvernement et de lui permettre d'émettre un bref demandant aux Canadiens de leur accorder un nouveau mandat. Il est maintenant temps pour le gouvernement d'adopter une attitude positive et de se pencher, dans ses discussions avec les provinces, y compris le Québec, sur les problèmes qui existent dans notre fédération et de travailler en collaboration pour tenter de les résoudre. C'est beaucoup mieux que l'approche négative actuelle, qui consiste à tenter de mettre au point des règles régissant le démantèlement du pays.
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat. Je ne sais pas lequel de nos collègues se chargera du projet de loi C-20 à la prochaine séance. Toutefois, je proposerai l'ajournement du débat au nom d'un sénateur de notre côté qui se fera connaître demain.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas là la façon d'ajourner un débat.
(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, l'autre question dont nous traiterons maintenant touche la question de privilège. Toutefois, le greffier adjoint et le Président me font savoir que cette question sera reprise si nous ajournons maintenant, à 15 h 30. Cette question sera reprise à la fin de l'ordre du jour de la prochaine séance au cours de laquelle un ordre du Sénat aura préséance.Énergie, environnement et ressources naturelles
Avis de motion autorisant le comité à siéger en même temps que le Sénat
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 4 mai 2000, je proposerai:
Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 17 heures le mardi 9 mai 2000 afin d'entendre des témoins pour son étude spéciale, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)